Björk, des sources géothermiques et même, en toile de fond, le Blue Lagoon : tous les ingrédients de l'identité islandaise sont réunis dans la saga qui oppose actuellement la célèbre chanteuse à une firme canadienne.

Lettre ouverte, pétition, conférence de presse... Björk se mobilise sur tous les fronts pour empêcher Magma, société cotée à Toronto, dans sa tentative de prendre le contrôle de HS Orka, groupe qui produit 9% de l'électricité du pays.

Les hostilités ont débuté en mai quand Magma a annoncé qu'il allait porter de 43 à 98,5 % sa part dans HS Orka pour 10,6 milliards de couronnes islandaises (91,5 millions de dollars canadiens). Soit le plus gros investissement étranger en Islande depuis la crise.

Pas assez pour la chanteuse qui accuse le canadien de vouloir accaparer à vil prix les ressources énergétiques du pays et d'avoir contourné la loi qui en limite l'accès aux seules compagnies de l'Espace économique européen (EEE) en créant de toutes pièces une société en Suède.

«C'est bien connu que les pays qui ont des difficultés se retrouvent assiégés par des rapaces qui veulent tirer parti de la situation et empocher de l'argent facile», a-t-elle déclaré.

L'opposition à la transaction s'est rapidement muée en un débat sur le contrôle des ressources naturelles par des investisseurs privés et étrangers.

«Surmonter la crise, toutes les faillites et le chômage qui en découlent prendra quelques années et, lorsque nous y serons parvenus, nos ressources seront la seule chose qui nous garantira un avenir prospère», estime Björk.

«Si l'on arrive à les perdre aujourd'hui, nous deviendrons un pays du Tiers-monde», dit-elle.

Très divisée, la coalition gouvernementale a nommé une commission d'enquête indépendante pour «examiner le rachat de HS Orka ainsi que la privatisation des compagnies électriques» même si l'opération a déjà reçu le feu vert de la commission sur les investissements étrangers.

En Islande, deuxième puissance géothermique européenne, HS Orka est la seule compagnie énergétique contrôlée par le secteur privé.

À une cinquantaine de kilomètres de Reykjavik, dans un grondement sourd et une odeur de soufre saisissante, la centrale géothermique de Svartsengi, une des deux centrales de la compagnie, crache une vapeur d'apparence menaçante, mais inoffensive.

Alignement de tuyaux pointant vers le ciel, l'installation produit électricité et chauffage pour 30 000 habitants de la région, mais elle approvisionne aussi le Blue Lagoon attenant en eau thermale, appréciée pour ses vertus contre le psoriasis et l'eczéma.

Directeur de la filiale islandaise de Magma, Asgeir Margeirsson y reçoit les journalistes pour tenter de rectifier un tableau truffé, selon lui, d'»informations incorrectes» : «Aucune ressource naturelle n'est en train d'être vendue», affirme-t-il à l'AFP. «Elles restent propriété publique, mais elles sont concédées dans le cadre d'accords conformes à la loi», dit-il.

D'une durée de 65 ans, la concession est renouvelable pour 65 années supplémentaires, une durée critiquée par les opposants, mais que Magma se dit prêt à raccourcir.

L'affaire, assure-t-il, risque d'effrayer les investisseurs étrangers dans un pays qui aurait pourtant bien besoin d'eux.

Pour Fridrik Mar Baldursson, doyen du département économie à l'université de Reykjavik, l'épisode est symptomatique du repli des Islandais sur eux-mêmes, une tendance déjà révélée par leur hostilité grandissante à une adhésion à l'UE.

Björk