Barack Obama, Prix Nobel de la paix 2009, a revendiqué un nouveau titre hier soir: président de guerre.

Mais l'homme n'en est plus à une contradiction près: tout en annonçant l'envoi accéléré de 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan, il a promis de commencer à réduire le contingent américain dans ce pays à partir de juillet 2011, soit bien avant la fin de son mandat.

Après de longues semaines de réflexion - certains critiques ont parlé de tergiversations -, le président américain a donc donné le feu vert à une escalade militaire en Afghanistan qui se veut «vitale» selon lui à l'intérêt national des États-Unis. Sa réélection à la Maison-Blanche pourrait tenir à cette décision qui a été saluée par plusieurs républicains et critiquée par certains démocrates.

«L'Afghanistan n'est pas perdu, mais il régresse depuis plusieurs années. Le statu quo n'est plus soutenable», a déclaré Barack Obama lors d'un discours télévisé à l'Académie militaire de West Point, dans l'État de New York.

Les renforts annoncés seront déployés sur une période de six mois, un calendrier beaucoup plus rapide que prévu, et auront pour mission principale de faire reculer l'insurrection talibane et de protéger les populations du sud et de l'est de l'Afghanistan, les régions du pays les plus instables.

Le président américain a également demandé à ses alliés de l'OTAN de fournir entre 5000 et 10 000 soldats de plus, ont précisé des responsables de l'Alliance atlantique.

«Nos amis ont combattu, versé leur sang et sont morts à nos côtés en Afghanistan. Maintenant, nous devons nous rassembler pour achever cette guerre avec succès»,

a déclaré Barack Obama.

Une décision attendue

La décision du président américain n'est pas surprenante en soi. En prenant ses fonctions, il avait promis un effort plus concentré sur l'Afghanistan. Mais cette guerre déclenchée en réponse aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 est de moins en moins populaire aux États-Unis. Les démocrates craignent notamment de voir leur président délaisser ses priorités économiques et sociales et s'enliser dans un conflit militaire à l'autre bout du monde, un peu comme l'avait fait Lyndon Johnson, un de ses prédécesseurs, à l'époque de la guerre du Vietnam.

Barack Obama a tenté de rassurer les Américains sur ce point, esquissant pour la première fois un calendrier de retrait des troupes américaines en Afghanistan. Il a également insisté sur la nécessité d'accélérer la formation des forces armées afghanes afin de leur confier le plus vite possible la sécurité des populations locales.

«Comme nous l'avons fait en Irak, nous allons exécuter ce transfert de façon responsable, a déclaré le président Obama. Nous continuerons à conseiller et à assister les forces de sécurité afghanes afin d'assurer leur succès à long terme. Mais notre message au gouvernement et au peuple afghans sera clair: au bout du compte, ils seront responsables de l'avenir de leur propre pays.»

Le chef de la Maison-Blanche a consacré une bonne part de son discours à la menace représentée par Al-Qaeda en Afghanistan et au Pakistan.

«Nous sommes en Afghanistan pour empêcher un cancer de s'étendre à nouveau dans l'ensemble du pays, a-t-il dit. Mais ce même cancer a également pris racine dans la région frontalière du Pakistan. C'est pourquoi nous avons besoin d'une stratégie qui fonctionnera des deux côtés de la frontière.»

Le commandant des forces internationales en Afghanistan, le général américain Stanley McChrystal, s'est dit satisfait de la stratégie énoncée par le président Obama. Même s'il avait demandé quelque 40 000 soldats supplémentaires, il a affirmé pouvoir remplir ses objectifs avec un contingent américain qui atteindra 100 000 hommes et femmes dans six mois.

Mais il a aussi lancé un avertissement particulièrement musclé au président afghan Hamid Karzaï, dont l'élection a été entachée de fraudes et dont le gouvernement est accusé de corruption: «l'époque du chèque en blanc est révolue», a-t-il asséné, ajoutant que «nous allons clairement expliquer ce que nous attendons de la part de ceux que nous aidons».

M. Obama avait en fait donné ses ordres de déploiement dès dimanche, avant même d'avoir communiqué à ses compatriotes la décision la plus attendue et peut-être la plus lourde de conséquences de sa présidence, alors que la guerre est de plus en plus impopulaire aux États-Unis, huit ans après l'invasion.

Des groupes antimilitaristes ont annoncé une manifestation à l'entrée de West Point mardi soir, et d'autres mouvements dans tout le pays mercredi.

Photo Reuters

Les cadets de West Point, écoutant le discours de Barack Obama.