Après plus d'un mois d'occupation du square Victoria, les membres d'Occupons Montréal sont invités à partir. Le maire Gérald Tremblay estime que les problèmes de sécurité sont devenus trop importants, mais il croit tout de même que «les indignés peuvent partir la tête haute».

«On a toujours eu un dialogue qu'on qualifie de constructif et surtout une collaboration exceptionnelle, a-t-il déclaré en point de presse. Mais à partir du moment où la sécurité des lieux est questionnée, que ça amène de l'instabilité, c'est notre responsabilité d'agir. Des informations que nous avons, je peux vous dire que je suis inquiet. Ils ont une décision importante à prendre. Quand, même eux ne peuvent plus s'assurer qu'il n'y aura pas de grabuge, comme maire de Montréal, je ne peux tolérer ça.»

Il estime que les indignés ont fait la preuve du sérieux de leurs revendications. «Les valeurs de dignité humaine, de justice sociale, ce sont les valeurs des Montréalais. Pour les indignés, la meilleure façon, c'est maintenant de se dire: "Trouvons une autre façon d'exprimer nos valeurs."»

Montréal tolérante

Montréal n'a pas l'intention, pour l'instant, de lancer un ultimatum aux occupants pour qu'ils libèrent le square Victoria, rebaptisé place du Peuple le 15 octobre par les occupants. «C'est ce qu'on a évité depuis le début, c'est ce que je dis quand on veut faire les choses de façon différente. On n'est pas une ville comme les autres. On a respecté les indignés, on leur a donné la possibilité de s'exprimer. On a été peut-être une des seules villes qui a été tolérante. On a une occasion unique de démontrer au monde entier qu'on est capable de prendre des décisions, à Montréal.»

La Presse a publié lundi un reportage sur les problèmes de sécurité vécus au square Victoria, plusieurs bagarres ayant éclaté cette fin de semaine. Certains indignés ont toutefois nié qu'on avait trouvé des seringues dans une tente, affirmant que l'abri avait plutôt servi à fumer du crack.

Cette déclaration du maire survient alors qu'un groupe d'indignés a annoncé vouloir passer à une nouvelle étape dans le mouvement. Lors d'une conférence de presse au pied de la statue de la reine Victoria, lundi après-midi, une vingtaine d'occupants ont annoncé qu'ils entreprendraient cette semaine une série d'«actions pacifiques», sans en révéler davantage. «Maintenant que nous avons capté l'attention citoyenne et son désir de changement, il est temps de passer à l'action. À partir des prochains jours, nous exécuterons des actions directes pacifiques de plus en plus significatives afin d'engendrer un effet domino sur l'ensemble de la société», ont-ils indiqué dans un communiqué.

La déclaration a toutefois passé sous silence les nombreux problèmes d'itinérance, de toxicomanie et de santé mentale gangrenant le campement du square Victoria. Pressés de questions par les médias, les indignés qui ont défilé devant les micros ont assuré que l'occupation se poursuivrait, mais deviendrait plus «symbolique». «Le camp n'est pas abandonné, ça va devenir plus symbolique, mais nous passons à l'action», a notamment indiqué Éric Robertson.

Un autre a toutefois reconnu que le mouvement cherchait maintenant à prendre racine à l'extérieur de la place publique au pied de la tour de la Bourse. «Physiquement, on veut rester, mais il y a d'autres solutions de rechange qu'on veut étudier. Si on regarde autour de nous, il y a beaucoup d'espaces vacants, que ce soit des tours de bureaux, des abris, des refuges, des églises. Ce n'est pas le manque d'espace qui nous paralyse», a expliqué Rémi Boutros.

À micro fermé, certains ont toutefois souhaité voir le camp fermer, craignant que leur mouvement soit entaché par un événement tragique, comme la mort d'une jeune toxicomane à Vancouver. Déjà, les problèmes actuels représentent un fardeau de plus en plus difficile à gérer, soutiennent-ils.

Alors que le mercure plonge désormais sous le point de congélation, plusieurs craignent de retrouver une personne morte de froid dans une tente. «Avec le froid qui s'en vient, c'est dangereux. Avec la boisson, il y a danger de déshydratation, d'engelures», a reconnu en point de presse l'un des occupants, Stéphane Marceau.

Assemblée d'urgence

Une partie des indignés de la première heure, de 12 à 15 personnes, a décidé de cesser d'occuper à temps plein le square Victoria depuis lundi. Ces indignés se concentreront désormais à mener les «actions pacifiques» annoncées lundi.

Fait particulier, une assemblée générale d'urgence a été convoquée, lundi soir, pour demander aux organisateurs de la conférence de presse de s'expliquer sur leur déclaration publique. Ceux-ci n'auraient pas eu l'autorisation de parler au nom d'Occupons Montréal.

À Toronto, la Cour supérieure de l'Ontario a reconnu le droit à la Ville d'expulser les indignés qui campent au parc Saint-James depuis le 15 octobre. Le juge David Brown a tranché que tolérer la présence des occupants dans ce parc situé près de Bay Street, où plusieurs banques canadiennes ont leur siège social, signifierait approuver l'anarchie. La Ville de Toronto a aussitôt repris la distribution des avis d'expulsion.

- Avec La Presse Canadienne