Le mouvement de contestation en Égypte a lancé un appel à la grève générale lundi et à une marche géante mardi, une semaine après le début d'une révolte sans précédent pour chasser le président Hosni Moubarak, qui a fait au moins 125 morts.

Lundi matin, des milliers de personnes étaient rassemblées sur la place Tahrir (place de la Libération), épicentre de la révolte dans le centre du Caire. Les manifestants comptent sur le bouche-à-oreille pour diffuser leur appel, l'internet restant bloqué et le service de messagerie mobile perturbé.

Certains manifestants y ont passé la nuit malgré le couvre-feu en vigueur dans la capitale, à Suez (est) et à Alexandrie (nord) de 15H00 (13H00 GMT) à 08H00 (06H00 GMT).

Autour de la place, cernée par des chars, les militaires contrôlaient les identités des manifestants sans empêcher leur accès.

Des membres de comités populaires vérifient qu'aucun policier en civil ne s'infiltre parmi les manifestants. « Ils veulent entrer et briser notre unité », a indiqué un membre d'un comité populaire.

Non loin de là, des soldats frottaient vigoureusement leurs chars couverts de graffitis anti-Moubarak, sous le regard de leurs supérieurs.

Dans la nuit de dimanche à lundi, le président Moubarak, qui fait face à un mouvement de contestation sans précédent en 30 ans de pouvoir, a chargé son nouveau Premier ministre Ahmad Chafic de promouvoir la démocratie par le dialogue avec l'opposition.

Dans une déclaration lue à la télévision, M. Moubarak, 82 ans, a réclamé « de nouvelles mesures, durables, pour plus de réformes politiques, constitutionnelles et législatives par le dialogue avec toutes les parties ».

Il a appelé le nouveau gouvernement à « rétablir la confiance » dans l'économie et à « lutter de manière décisive contre toutes les formes de corruption ».

Le président américain Barack Obama avait auparavant appelé à « transition vers un gouvernement répondant aux aspirations » des Egyptiens.

Le président de l'Assemblée, Fathi Sorour, a annoncé que les résultats des élections législatives de fin 2010 seraient bientôt « corrigés ». Le scrutin avait été boycotté par les principales forces de l'opposition qui avaient dénoncé des fraudes.

L'opposant et prix Nobel de la Paix Mohamed ElBaradei est allé au-devant des manifestants au Caire dimanche soir en promettant « une ère nouvelle ».

« Je vous demande de patienter, le changement arrive », a-t-il dit via un porte-voix aux milliers de manifestants réunis place Tahrir.

Le gouvernement a fait preuve de fermeté dimanche, ordonnant à la police de retourner dans les rues du pays qu'elle avait désertées vendredi, et prolongeant d'une heure le couvre-feu. La chaîne satellitaire al-Jazira a été interdite en Égypte.

Lundi, M. Moubarak a nommé le général Mourad Mowafi, ancien gouverneur du Sinaï-Nord, à la tête des services de renseignements, pour remplacer l'influent Omar Souleimane, promu samedi vice-président, une fonction abolie il y a 30 ans et qui pourrait ouvrir la voie à une transition.

Au septième jour de manifestations, le pays est en partie paralysé. Les banques et la Bourse sont fermées pour une deuxième journée consécutive et la place du Caire sera de nouveau fermée mardi, selon la télévision publique.

L'agence de notation Moody's a dégradé lundi d'un cran la note de l'Égypte, et envisagé de l'abaisser encore à moyen terme. La plupart des distributeurs de billets sont vides.

Le secrétaire général de l'Opep, Abdallah El-Badri, a estimé que les tensions en Égypte pourraient affecter le passage stratégique du canal de Suez et générer une « pénurie » de pétrole. M. El-Badri a affirmé que l'Opep serait alors prête à accroître sa production.

Mais les médias officiels égyptiens ont toutefois assuré lundi que le canal fonctionnait « à pleine capacité » et n'avait pas été affecté par la situation.

De nombreux voyagistes ont suspendu les départs des vacanciers, au plus fort de la saison touristique. De nombreux pays dont les États-Unis, le Canada, l'Arabie saoudite, la Libye, le Liban, le Japon et l'Australie ont dépêché des avions pour assurer le rapatriement de leurs ressortissants.

Plusieurs groupes, dont le français Lafarge, la banque Crédit Agricole, la compagnie pétrolière russe Loukoïl, le producteur de gaz Novatek et le groupe énergétique allemand RWE, ont décidé d'évacuer les famille de leur personnel expatrié et tout ou partie de leurs salariés étrangers.

Israël, inquiet de préserver ses liens avec l'Égypte, seul pays arabe avec la Jordanie à avoir signé un traité de paix avec l'Etat hébreu, a demandé dans un message secret aux États-Unis et à des pays européens de soutenir le régime égyptien, selon le quotidien Haaretz.

La révolte, entamée le 25 janvier, 11 jours après la fuite de l'ex-président tunisien Zine El Abidine Ben Ali sous la pression de la rue, pèse sur les marchés: la Bourse de Paris a notamment ouvert lundi en baisse de 0,13%.