Le Conseil de l'Éducation du Texas révise les manuels d'histoire et met l'accent sur les héros de la droite religieuse. Une décision controversée qui aura des répercussions partout aux États-Unis, rapporte notre correspondant.

Moins de Roosevelt, plus de Reagan: ce sont les nouvelles exigences dictées par le Conseil de l'Éducation du Texas. Vendredi dernier, le Conseil a voté pour faire appliquer une réforme qui met l'accent sur les héros de la droite religieuse, aux dépens des figures laïques qui ont façonné les États-Unis.

 

Ainsi, Ronald Reagan sera vu comme l'un des architectes de l'Amérique moderne, alors que le New Deal de Roosevelt sera relégué au rang de note de fin de chapitre.

Auteur de la Déclaration d'indépendance, Thomas Jefferson, dont le visage est gravé dans le mont Rushmore, s'est battu pour la séparation entre l'Église et l'État. Il occupera désormais une place de second choix: le théologien français Jean Calvin sera étudié en priorité.

Les États-Unis ne seront plus décrits comme une «démocratie», mais bien comme une «république constitutionnelle». Un passage sur la liberté de religion a été biffé.

Durant les délibérations du Conseil, jeudi, Mary Helen Berlagua, représentante démocrate, est partie de la salle en colère.

«J'en ai vu assez. Ça suffit. Je m'en vais», a-t-elle dit, ajoutant que le but du Conseil était de prétendre que l'Amérique est une nation blanche et que personne d'autre n'y a sa place.

«Je n'ai jamais rien vu de tel, a dit Mme Berlagua, membre du Conseil depuis 1982. C'est un pas en arrière.»

Partout au pays

État le plus populeux après la Californie, le Texas a une grande influence sur le reste du pays, notamment en matière d'éducation. Les éditeurs se fient aux exigences du Conseil de l'Éducation du Texas pour l'élaboration de leurs manuels scolaires, qui sont ensuite vendus à des millions d'exemplaires partout aux États-Unis.

Les directives du Conseil ont provoqué de fortes réactions. Le quotidien texan Star Telegram a répondu par un éditorial enflammé intitulé «Quelqu'un, arrêtez le Conseil de l'Éducation du Texas».

«Le Conseil utilise les normes en éducation comme terrain de bataille pour les enjeux idéologiques. Cela n'est pas seulement alarmant: c'est un pied de nez aux contribuables et aux élèves, dont l'éducation doit être améliorée, et non politisée», peut-on y lire.

Même le président Lyndon B. Johnson, né au Texas, sera relégué au second plan, note le journal. Sa guerre contre la pauvreté et son travail pour la promotion des droits civils ne trouvent pas grâce aux yeux du Conseil, plus enclin à promouvoir l'indépendance des États et un gouvernement central limité.

Pour Ronald Feinman, professeur d'histoire à Boca Raton, en Floride, le Conseil de l'Éducation du Texas vient de commettre une faute grave.

«Cette décision va nuire au développement de millions d'enfants non seulement au Texas, mais dans tout le pays, a-t-il noté dans une lettre ouverte. Cela va représenter un défi pour les professeurs des collèges et des universités, qui vont découvrir que leurs nouveaux étudiants seront plus ignorants et peu au fait de l'histoire.»

Les changements ont été adoptés vendredi à 10 votes contre 5 par le Conseil, dont la majorité des membres sont d'allégeance républicaine. Le curriculum est appliqué durant 10 ans, et touche directement 4,7 millions d'élèves. L'approbation finale des changements aura lieu en mai.