La dévaluation lundi de 8% du peso cubain, désormais aligné à parité sur le dollar américain, comme à sa création en 1994, est «positive» mais insuffisante, selon des experts interrogés par l'AFP qui s'accordent à trouver la monnaie cubaine encore surévaluée.

«C'est un pas dans la bonne direction, mais insuffisant, c'est un geste qui va aider l'économie à la marge, grâce à un coup de pouce aux exportations, au tourisme et à l'investissement étranger», a estimé le spécialiste de relations internationales Arturo Lopez-Levy, de l'université de Denver (États-Unis).

«Le nouveau taux de change est encore très haut et ne reflète pas bien les problèmes de compétitivité de l'économie cubaine», a jugé l'universitaire.

Pour Pavel Vidal, un des rares économistes cubains indépendants ayant accès aux médias officiels locaux, la dévaluation du peso convertible cubain (CUC) est «positive». «Je l'appelais de mes voeux depuis deux ans et j'espère que cela marque le début d'une politique de révision des taux de change», a-t-il affirmé à l'AFP.

Davantage que la parité peso-dollar, c'est le rapport entre les deux pesos cubains que Pavel Vidal voudrait voir corrigé.

Car à Cuba, deux types de pesos circulent: le peso courant («monnaie nationale» ou CUP) qui règle la vie courante des Cubains, salaires, petit commerce, etc, et le peso convertible (CUC) accessible aux Cubains qui travaillent dans le tourisme et des sociétés étrangères ou qui reçoivent de l'argent de l'étranger.

Les deux pesos sont liés entre eux par une parité fixe de 25 CUP pour un CUC. Cette double monnaie, source de complications quotidiennes, crée une économie à deux vitesses qui laisse une majorité de la population dans une pauvreté relative, sans accès aux services et aux produits importés payables en CUC.

La situation se complique encore plus pour les comptes nationaux qui sont réalisés avec une parité entre le CUP et le CUC. «Cela fausse toutes les valeurs et tous les coûts et paralyse pratiquement toute prévision», rappelait récemment M. Vidal.

Pour l'économiste dissident Oscar Espinosa Chepe, la dévaluation du CUC constitue «une mesure réaliste et positive». «Ce qui n'aurait jamais dû se produire, c'est sa réévaluation en 2005», a-t-il souligné.

Le CUC avait été créé en 1994 à parité avec le dollar américain afin de doter Cuba d'une monnaie nationale forte alors que l'économie cubaine s'ouvrait aux investissements étrangers.

En 2005, dans le cadre d'une «recentralisation» de l'économie, il avait été réévalué de 8%, une décision jugée alors essentiellement «politique» par les observateurs.

«Ce qu'il faut aussi c'est abolir la taxe de 10% imposée à la conversion du dollar en liquide dans les bureaux de change, parce que c'est un objet de spéculation et de manoeuvres illégales», estime l'économiste dissident.

Mais lundi, la banque centrale cubaine a réaffirmé l'existence de cette taxe de 10% imposée au dollar en la justifiant comme une «compensation à l'embargo injuste et irrationnel» que les États-Unis maintiennent depuis un demi-siècle contre Cuba.

La dévaluation permet «un rapprochement vers la réalité. Il en faudra d'autres, mais c'est un premier pas», estime Oscar Espinosa Chepe.

«La politique de petits pas du gouvernement est foncièrement correcte, mais l'économie cubaine a besoin d'une dépréciation plus drastique de sa monnaie. Cela dit, c'est le signe très clair qu'en ce moment, la volonté du président Raul Castro est bien de mettre la croissance économique et les ajustements structurels nécessaires à celle-ci en tête de ses priorités», conclut M. Lopez-Levy.