L'ancien président haïtien «à vie» Jean-Claude Duvalier, cloîtré dans un hôtel de Port-au-Prince, n'avait toujours pas expliqué lundi les raisons de son retour en Haïti la veille, après 25 ans d'exil en France.

Confidents, alliés et membres de la famille de M. Duvalier se rendaient en masse à l'hôtel Karibe, situé à Pétionville, en banlieue de la capitale haïtienne, pour saluer l'ex-dictateur.

«Bébé Doc», comme le surnomment les Haïtiens, ne s'est pas montré en public depuis son arrivée surprise dimanche soir. À sa descente d'avion il s'était contenté d'indiquer: «Je suis venu pour aider».

Une conférence de presse d'abord prévue lundi a été reportée, car l'hôtel Karibe ne possède pas les capacités pour recevoir tous les journalistes désireux d'assister à l'événement, selon Henry Robert Sterlin, ancien ambassadeur haïtien à Paris et à l'UNESCO.

Le retour de Jean-Claude Duvalier, président de 1971 à 1986 et exilé en France depuis, a pris Haïti par surprise, au moment où le pays traverse une grave crise politique.

Didier Le Bret, ambassadeur de France en Haïti, a expliqué à l'AFP que M. Duvalier est en possession d'un billet retour pour la France le 20 janvier. «J'espère qu'il va l'utiliser», a ajouté M. Le Bret.

Véronique Roy, épouse de M. Duvalier, a toutefois expliqué à l'AFP que «rien n'est fixé, tout est modifiable», tout en confirmant que son époux est bien en possession d'un billet retour pour jeudi. «Il est prématuré de dire s'il va rentrer en France ou s'il va rester», a-t-elle ajouté.

Elle a par ailleurs indiqué qu'«aucun responsable du gouvernement (haïtien) ne l'a contacté depuis son retour au pays».

Des analystes contactés par l'AFP se sont dits peu surpris de l'accueil relativement enthousiaste qu'a reçu M. Duvalier.

«La moitié de la population n'a pas connu la cruauté de la dictature. Et certains ont la nostalgie de l'époque où Duvalier était président et où la stabilité et la sécurité régnaient, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui», explique Robert Fatton, professeur à l'Université de Virginie aux États-Unis, lui-même haïtien.

Dans le même temps, les interrogations portaient sur les circonstances du retour de M. Duvalier.

Selon Osner Févry, un ancien secrétaire d'État de M. Duvalier, ce dernier «ne serait pas revenu sans prendre contact à un niveau ou à un autre» avec le gouvernement du président sortant René Préval.

Evans Paul, un ancien opposant aux Duvalier devenu maire de Port-au-Prince, renchérit: «je pense que M. Préval est à la base de cette décision. C'est une manoeuvre de diversion et de provocation destinée à intensifier la confusion» née du premier tour contesté de l'élection présidentielle.

Mais l'épouse de M. Duvalier a démenti les accusations du maire de la capitale haïtienne. «Il n'y a eu absolument aucun contact», a dit Mme Roy à l'AFP.

Dès le retour de M. Duvalier, des organisations de défense des droits de l'homme ont exigé qu'il soit jugé.

Son retour «devrait n'avoir qu'un seul but: qu'il se retrouve face à la justice», a estimé Jose Miguel Vivanco, le directeur de Human Rights Watch pour les Amériques.

«Au cours de la présidence de Duvalier et de ses «Tontons macoutes», des milliers de personnes ont été tuées et torturées et des centaines de milliers d'Haïtiens ont dû s'exiler. Cela fait longtemps qu'il doit rendre des comptes», a-t-il poursuivi.

«Les violations des droits de l'homme, généralisées et systématiques, commises à Haïti durant le règne de Duvalier représentent des crimes contre l'humanité. Haïti a l'obligation de le poursuivre, ainsi que tous les responsables de ce genre de crimes», a indiqué de son côté Javier Zuñiga, conseiller spécial d'Amnesty international.