Toujours au sommet de sa popularité, Lula remporterait facilement un nouveau mandat présidentiel, son troisième, s'il avait le droit de le solliciter. Mais faute de voter pour Lula, les Brésiliens choisiront probablement Dilma. À un mois des élections, défiant les attaques sexistes, Dilma Rousseff éclipse tous ses opposants

Elle n'a pas le charisme du président sortant ni une tête à se faire interpeller familièrement. Pourtant, pour les Brésiliens, elle a laissé tomber son patronyme et se fait appeler tout simplement «Dilma».

Dilma Vana Rousseff, 62 ans, est en bonne voie de devenir la prochaine présidente du Brésil. Les sondages publiés cette semaine indiquent qu'elle pourrait l'emporter dès le premier tour en séduisant les 136 millions d'électeurs brésiliens qui se rendront aux urnes le 3 octobre. Déjà, la moitié d'entre eux disent vouloir voter pour elle.

Pas mal pour cette fille d'un immigré bulgare et d'une enseignante brésilienne de la classe moyenne, née à Belo Horizonte, dans le sud du pays, loin des milieux d'influences politiques traditionnels. Pas mal non plus pour une divorcée, mère d'une fille, mal connue des Brésiliens, qui se présente pour la première fois à des élections après avoir été notamment ministre des Mines et de l'Énergie.

D'où la question: les Brésiliens voteront-ils pour elle... ou pour Lula? Car le président sortant, qui ne peut briguer de troisième mandat en vertu de la Constitution, quitte la scène politique avec 80% d'appuis chez ses électeurs, une cote de popularité encore plus élevée que celle qui l'a porté au pouvoir il y a sept ans. «Lula est très populaire et tout le monde essaie de s'accrocher à lui», dit Charmain Levy, Brésilienne d'origine et professeure à l'Université du Québec en Outaouais. «Même José Serra (candidat de l'opposition) a fait une pub dans laquelle il dit que Lula lui a déjà fait des compliments!»

Ils étaient nombreux à vouloir obtenir la bénédiction du chef du Parti des travailleurs. Mais les scandales de corruption qui l'ont éclaboussé dans les derniers mois - scandales qui ont laissé intacte la popularité de Lula - ont éliminé un à un les candidats à sa succession.

Dilma s'est alors démarquée. Lula l'a désignée comme sa dauphine et fait campagne à ses côtés en promettant la continuité.

Continuité dans l'impressionnant chantier qu'est devenu le Brésil sous Lula. Taux de chômage passé de 20% à 9%, bourses distribuées aux familles pauvres pour stimuler l'économie, construction de 130 universités et de kilomètres de routes, présence active sur la scène internationale, notamment depuis que Lula joue les entremetteurs avec l'Iran...

Nouvelle génération

Cette présidentielle de 2010, bien que son issue semble déjà décidée, n'est pas inintéressante pour autant, dit la sociologue Elizabeth Farias da Silva, de l'Université fédérale de Santa Catarina. «Les candidats ne sont pas membres des classes aisées du Brésil, dit-elle. Ils sont aussi tous issus des luttes contre le régime totalitaire.»

Dilma Rousseff a notamment été emprisonnée pendant trois ans pour avoir combattu la dictature brésilienne dans les années 60 et 70.

Ses opposants traînent dans les sondages. Son principal adversaire, le social-démocrate José Serra, ancien ministre de la Santé et ancien gouverneur de São Paulo, voit sa campagne pourrie par une dispute à l'intérieur de son parti. Il est suivi par la candidate des verts et ex-ministre de l'Environnement de Lula, Marina Silva, 52 ans, qui obtient 10% des intentions de vote.

À moins d'un revirement spectaculaire, le Parti des travailleurs devrait donc garder le pouvoir et Dilma Rousseff devenir la première femme à occuper le poste de présidente du Brésil. Ce qui ne se fait pas sans les attaques sexistes qui vont avec... «C'est terrible!» s'exclame Mme da Silva. «Partout, à la télé, dans les journaux, on parle d'elle avec des préjugés. On dit qu'elle n'est pas belle, qu'elle a des manières masculines, qu'elle est très dure... Mais il faut être dur pour faire de la politique!»

Lula à l'ONU?

Lorsqu'il quittera la présidence du Brésil, au sommet de sa popularité, Luiz Iñacio Lula da Silva ne devrait pas rester inactif pour autant. Son nom a souvent été évoqué pour succéder à Ban Ki-moon, qui termine son premier mandat comme secrétaire général de l'ONU à la fin de 2011. Mais comme le secrétaire a habituellement droit à un second mandat et que le rapprochement entre Lula et les chefs iranien, syrien ou biélorusse a irrité certains dirigeants occidentaux, rien n'est encore joué.