La Guinée était partagée entre une grande joie et une grande inquiétude, mardi, après l'annonce officielle de la victoire d'Alpha Condé à la présidentielle (52,5%), qui s'est accompagnée de violences dans les fiefs du perdant, Cellou Dalein Diallo (47,5%), faisant quatre morts.

Les autorités n'ont fourni aucun bilan officiel de ces troubles.

Mais l'AFP a appris de source policière et auprès de la Croix-Rouge que les violences post-électorales avaient fait, mardi, deux nouveaux morts, un à Conakry et un en Moyenne-Guinée (centre), portant à quatre le nombre de décès depuis lundi.

«Ce matin, à Conakry, dans le quartier de Simbaya (commune de Ratoma), un homme a été tué par un soldat. Il y a eu une dispute entre eux, l'homme a voulu s'échapper, et le soldat lui a tiré dans la nuque», a assuré une source policière.

À Pita, ville de Moyenne-Guinée, des partisans du candidat Cellou Dalein Diallo, manifestaient et pillaient deux villas quand un voisin, partisan du camp opposé, a tiré, «tuant l'un d'eux et en blessant 14», a affirmé un membre de la section locale de la Croix-Rouge.

Lundi, déjà, à Ratoma, de violents affrontements entre de jeunes partisans de M. Diallo et les forces de l'ordre avaient fait au moins un mort et des dizaines de blessés, selon une source policière. Puis, dans la nuit de lundi à mardi, des habitants de Dalaba (Moyenne-Guinée) ont affirmé à l'AFP qu'«un jeune homme avait été tué par balles par des militaires».

Le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest, Said Djinnit, a cependant estimé mardi matin que le pays et Conakry étaient «généralement calmes, en dépit des incidents signalés» lundi soir». Il a rendu «hommage à l'attitude responsable des candidats ayant appelé leurs partisans au calme».

Dans sa première déclaration après sa victoire, Alpha Condé a promis d'être «le président de la réconciliation nationale et du progrès pour tous». «Une fois passée cette éprouvante campagne électorale, le temps est venu de se donner la main dans un esprit de concorde et de fraternité (...)», a-t-il dit.

Puis son rival, Cellou Dalein Diallo, a lancé dans la nuit «un appel pressant» à ses électeurs pour qu'ils «évitent les provocations et les violences de toute nature», en attendant que ses «réclamations» pour «fraudes» soient examinées par la Cour suprême.

La Commission électorale avait annoncé lundi soir les résultats provisoires complets du second tour de la présidentielle du 7 novembre, donnant la victoire à l'opposant historique Alpha Condé, 72 ans, après 52 ans de régimes dictatoriaux ou autoritaires.

Mardi, les électeurs de M. Condé fêtaient leur victoire à Conakry, en faisant hurler les klaxons ou en chantant dans les rues.

«Pour nous, c'est d'abord un homme nouveau, parce qu'il n'a jamais géré, ce n'est pas un magouilleur des précédents régimes», assurait mardi Mamadi Kaba, «comptable sans travail» de 25 ans.

Un autre électeur d'Alpha Condé, Karamo Kaba, 40 ans, assurait de son côté que les arguments lancés contre «la mafia peule» durant la campagne avaient aussi porté: «des gens disaient +les Peuls ont déjà l'économie en mains, il ne faut pas qu'ils prennent le pays en otage+, ce qui a fait que les autres ethnies ont fait bloc contre la candidature de Diallo».

Mais à Ratoma, les habitants n'avaient pas le coeur à fêter la grande fête musulmane de l'Aïd-el-Kébir, affirmant que «la police anti-émeute, la Fossepel (force spéciale de sécurisation du processus électoral) et des militaires» quadrillaient les rues et «tiraient, encore, ici ou là». «Peu de gens sont sortis prier. Toute activité est arrêtée», rapportait  Aboubacar Baldé, étudiant de 21 ans.