La top-model Naomi Campbell a reconnu jeudi devant un tribunal de La Haye avoir reçu en 1997 des diamants bruts, «des pierres à l'aspect sale», dont elle présume qu'ils lui étaient offerts par Charles Taylor, accusé d'avoir échangé des «diamants du sang» contre des armes.

Le mannequin a affirmé, lors de son témoignage au procès de M. Taylor, ancien président du Liberia jugé pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre, que deux hommes lui avaient apporté au milieu de la nuit «une petite bourse» à l'issue d'un dîner de charité organisé au Cap par l'ancien président sud-africain Nelson Mandela.

Dans cette bourse se trouvaient «de toutes petites pierres à l'aspect sale (...) trois peut-être, deux ou trois», a raconté Mme Campbell, déclarant aux juges du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) «supposer» que l'expéditeur du «cadeau» était Charles Taylor, aucune note n'accompagnant les pierres.

Lors de sa déposition, Campbell, 40 ans, a assuré avoir parlé le lendemain au petit déjeuner de ce cadeau à son agent d'alors Carole White et à l'actrice américaine Mia Farrow. Toutes deux doivent témoigner lundi.

«L'une d'elles a dit "ça vient évidemment de Charles Taylor" et j'ai dit: "je suppose que oui"», a ajouté celle qui fut surnommée la «panthère noire», cheveux attachés et vêtue d'un ensemble beige, jupe aux genoux.

L'accusation comptait sur son témoignage pour démontrer que Charles Taylor, 62 ans, a menti en affirmant ne jamais avoir possédé de diamants bruts.

Selon l'accusation, il s'était rendu en septembre 1997 en Afrique du Sud pour «vendre ou échanger contre des armes des diamants» reçus des rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) en Sierra Leone lors de la guerre civile qui a ravagé ce petit pays d'Afrique de l'ouest. La pierre offerte à Naomi Campbell en faisait partie.

Mais l'avocat de l'accusé, Courtenay Griffiths, a qualifié de «pure spéculation» l'affirmation selon laquelle Taylor avait fait porter les diamants au top model.

Selon lui, le témoignage de Naomi Campbell «a explosé spectaculairement à la figure» de l'accusation, le mannequin britannique n'étant pas en mesure de confirmer que les pierres avaient été offertes par Charles Taylor.

M. Taylor, dont le procès ouvert en janvier 2008 a connu un brusque regain d'intérêt à la faveur de la convocation de la top-model, est accusé d'avoir dirigé en sous-main les rebelles du RUF en Sierra Leone, leur fournissant armes et munitions en échange de «diamants du sang».

Le nom de «diamants du sang» a été donné aux pierres provenant de pays où elles servent notamment à l'achat d'armes et où les droits de l'homme sont violés.

Président du Liberia de 1997 à 2003, Charles Taylor plaide non coupable de onze chefs d'accusation, notamment meurtres, viols et enrôlement d'enfants soldats durant le conflit en Sierra Leone voisine, qui a fait quelque 120 000 morts entre 1991 et 2001 et a été marqué par de nombreuses atrocités.

«Je ne voulais pas les garder», a déclaré Mme Campbell à la cour, ajoutant avoir donné les pierres à Jeremy Ratcliffe, un de ses amis qui travaillait pour le Fonds d'aide à l'enfance de Nelson Mandela (NMCF), «afin qu'il fasse quelque chose avec».

«J'étais là pour collecter des fonds pour le NMCF. Je ne pensais pas qu'il était honnête de les garder. Je voulais qu'ils aillent au fonds d'aide», a dit Mme Campbell, reconnaissant pourtant que M. Ratcliffe «les a toujours».

La top model assure ne «plus jamais» avoir revu M. Taylor après le dîner et ne pas lui avoir posé de questions. «Je reçois des cadeaux tout le temps, à toutes les heures de la nuit», a-t-elle expliqué aux juges. «C'est normal pour moi de recevoir des cadeaux».

Quant à la nature des pierres, «j'ai l'habitude de voir des diamants brillants et dans un écrin, vous savez», a asséné la reine des podiums. «Je n'aurais pas pu deviner tout de suite que c'était des diamants».