Déjà éprouvés par une série d'empoisonnements de homards, les pêcheurs de homard du Nouveau-Brunswick s'insurgent contre l'approbation récente d'un autre pesticide à l'usage des élevages de saumon.

L'aquaculture industrielle est aux prises avec une infestation de poux de mer, crustacés parasites capables de tuer les saumons par milliers dans les cages d'élevage amarrées dans la baie de Fundy.

Le nouveau pesticide approuvé d'urgence par Santé Canada à la demande du gouvernement du Nouveau-Brunswick est la deltaméthrine. Ce produit commercialisé sous le nom d'Alphamax s'attaque au système nerveux des crustacés.

L'Association des pêcheurs de la baie de Fundy craint pour tout l'écosystème marin, en raison de l'usage accru de pesticides, légaux ou illégaux, dans la centaine de fermes qui parsèment la baie.

«Notre plus grande inquiétude est pour le plancton, dit Maria Recchia, biologiste au service de l'association. Les larves de homard en font partie. Nous craignons qu'elles se fassent tuer en grand nombre.» L'impact pourrait se répercuter sur toute la chaîne alimentaire, jusqu'aux baleines qui viennent se nourrir dans la baie, dit-elle.

Environnement Canada inquiet

Depuis quelques mois, Environnement Canada a ouvert des enquêtes après avoir détecté de la cyperméthrine, un pesticide illégal, dans des homards trouvés morts ou paralysés. Les enquêteurs en ont aussi trouvé dans des saumons prélevés dans des fermes d'élevage appartenant à deux firmes d'aquaculture.

La deltaméthrine et la cyperméthrine sont de la même famille chimique. La description de la deltaméthrine dans les bases de données de l'industrie précise que le produit est «très toxique pour les organismes aquatiques» et qu'il «peut causer des effets néfastes à long terme dans les environnements aquatiques».

La décision d'approuver la deltaméthrine a d'abord été contestée par Environnement Canada (EC). Dans une communication interne obtenue par La Presse, EC cite les très faibles taux auxquels la deltaméthrine est mortelle pour les larves de homards et d'autres crustacés.

Questionné à ce sujet, le ministère fédéral affirme avoir «exprimé ses préoccupations (à Santé Canada) relativement à la dose et à la méthode d'application».

«L'application de deltaméthrine dans l'environnement marin doit être examinée et gérée avec prudence, affirme EC. L'essai en cours est effectué à dose réduite avec des scénarios de traitement différents et avec une surveillance continue afin de s'assurer qu'il n'y a pas de répercussions importantes sur l'environnement en raison de ces traitements.»

Homologation d'urgence

De son côté, Santé Canada affirme avoir permis une «homologation d'urgence» pour la deltaméthrine, «assortie de certaines conditions pour réduire tout risque potentiel pour l'environnement». «À la suite d'une évaluation scientifique approfondie, Santé Canada a conclu que l'usage d'Alphamax ne pose aucun risque inacceptable pour la santé humaine et l'environnement.»

Malgré ces assurances, l'inquiétude monte parmi les pêcheurs à l'approche de l'ouverture de la pêche au homard, le 9 novembre prochain. Mais les dommages pourraient n'apparaître que dans quelques années. Un homard met de cinq à sept ans pour atteindre la taille nécessaire à sa commercialisation, et ce sont les larves de moins d'un an qui sont les plus sensibles aux pesticides.

Selon Pam Parker, directrice générale de l'Association des éleveurs de saumon du Nouveau-Brunswick, des expériences réalisées l'an dernier n'ont pas eu d'impact sur les saumons adultes exposés à l'Alphamax non loin des cages. Mais la survie des larves n'a pas été étudiée.

«Nous voulons assurer les pêcheurs que nous pouvons utiliser ces produits en toute sécurité», affirme Mme Parker, en ajoutant que l'industrie souhaite l'approbation de traitements complémentaires.