Combien peut-il y avoir de sommets de la dernière chance pour sauver le climat mondial? Celui de Copenhague en 2009 était déjà présenté comme tel.

La poussée politique était forte, sur la lancée du prix Nobel attribué à Al Gore deux ans plus tôt et l'élection de Barack Obama en 2008 qui mettait fin au règne républicain à la Maison-Blanche.

Mais le sommet de Copenhague n'a pas donné ce que les écologistes désiraient et ce que les scientifiques estimaient nécessaire: un accord international contraignant permettant de stabiliser le climat, en limitant le réchauffement à 2°C.

Deux ans plus tard, le monde se donne encore rendez-vous pour causer climat, cette fois à Durban, en Afrique du Sud. Et le contexte politique est plus sombre que jamais pour les partisans d'un combat efficace contre les changements climatiques.

Aux États-Unis, les républicains ont le contrôle du Congrès. Un seul des neuf candidats à l'investiture républicaine dit croire à l'impact de l'homme sur le climat. Le président Obama a renoncé à soumettre le gaz carbonique à une réglementation.

La Russie, le Japon et le Canada s'opposent à ce qu'il y ait un successeur au protocole de Kyoto, traité qu'ils avaient pourtant ratifié et qui prend fin dans 13 mois.

L'urgence d'agir n'a pourtant pas disparu. Au contraire. Plus tôt ce mois-ci, l'Agence internationale de l'énergie a affirmé que d'ici 2017, il y aurait trop de centrales thermiques et d'infrastructures pétrolières sur la planète pour que l'objectif de stabiliser le climat à "2°C soit possible.

En fait, si la tendance actuelle se maintient, le réchauffement atteindra "6°C à la fin du siècle. Une perspective si catastrophique que les climatologues ne l'étudient même pas en détail.

Bonne nouvelle

La bonne nouvelle est qu'il est encore techniquement et économiquement faisable de stabiliser le climat, en freinant d'ici 2020 les émissions de gaz à effet de serre (GES). C'est ce qu'affirme le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) dans un rapport rendu public jeudi.

Selon ce rapport, il faut réduire les émissions mondiales annuelles de gaz à effet de serre à 6 milliards de tonnes à l'horizon 2020. C'est huit fois le total des émissions canadiennes en 2009.

Mais c'est possible, affirme le PNUE. Le coût: environ 34$US la tonne de carbone. Ce qui n'est pas très éloigné des coûts actuels. La nouvelle taxe sur le carbone en Australie a été fixée à 23$ la tonne. Celle de Colombie-Britannique est à 25$.

C'est une perspective à laquelle s'accrochent les délégués qui se dirigent actuellement vers Durban et auxquels La Presse a pu parler.

Patrick Bonin dirige la délégation de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) à Durban.

«Cette analyse montre que ce n'est pas inatteignable et que ça ne se fait pas à des coûts exorbitants, dit-il. On espère qu'il y aura un mandat clair pour la négociation d'une entente plus large qui inclurait les grands pollueurs d'ici 2015 et qu'on applique la Convention des Nations unies sur le climat de façon à éviter les changements climatiques catastrophiques.»

«On ne peut pas continuer de faire l'autruche. Il faut s'entendre sur comment on va réduire le fossé et comment on va distribuer les réductions, dit Steven Guilbeault, d'Équiterre, qui copréside le Réseau Action Climat, la fédération internationale des écologistes dans le dossier des changements climatiques. On veut notamment que le Canada nous dise qui va réduire à sa place, s'il n'est pas prêt à le faire.»

Tout n'est pas sombre dans la lutte contre les changements climatiques, mais il semble que chaque avancée s'accompagne d'un recul.

L'Australie a lancé son marché du carbone. Tous les grands émetteurs de gaz à effet de serre devront utiliser des droits d'émission dont le prix initial a été fixé à environ 23$ la tonne. Mais la Western Climate Initiative, le seul projet sérieux de marché du carbone en Amérique du Nord, bat de l'aile. Six États américains l'ont abandonnée. Son avenir est incertain en Colombie-Britannique et en Ontario. Il ne reste que la Californie et le Québec qui continuent de promouvoir fermement ce projet.

Records

Le carbone dégagé dans l'atmosphère a battu tous les records en 2010. Après une pause en 2009 attribuable à la crise économique, les émissions globales de gaz à effet de serre ont bondi l'an dernier par une marge de plus de 5%. Mais pour la première fois en 2010, la majorité des nouvelles éoliennes a été installée dans les pays émergents, la Chine comptant pour la moitié de la nouvelle capacité installée.

Politiquement, sur le plan international, le projet d'un accord global contraignant sur les émissions de gaz à effet de serre est au point mort. Le lobbying de l'industrie pétrolière, chimique et du charbon s'est intensifié ces dernières années, selon un rapport de Greenpeace. Mais ponctuellement, la question du climat nuit à certains projets, comme l'exploitation des sables bitumineux. On l'a vu dans la contestation du projet de pipeline Keystone XL et dans les projets de limiter l'accès au bitume canadien aux marchés tant en Californie qu'en Europe. Cela a conduit le Canada à intensifier ses efforts diplomatiques pour promouvoir l'industrie des sables bitumineux.

Durban en chiffres

> Conférence des Nations unies sur le climat du 28 novembre au 9 décembre.

> 17e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur le climat, signée à Rio en 1992.

> 7e rencontre des parties au protocole de Kyoto.

> 25 000 délégués attendus

L'état de la science du climat

Les grandes incertitudes qui restent dans la science du climat concernent surtout les effets les plus catastrophiques et imprévisibles du changement climatique en cours. On sait que le climat se réchauffe et on sait que c'est à cause de la concentration croissante de gaz à effet de serre (GES), et que cette augmentation est surtout attribuable à l'activité humaine.

Ce qu'on ne sait pas, c'est, par exemple, la vitesse à laquelle le niveau des océans va augmenter, en raison du caractère imprévisible de la fonte des calottes polaires. On ne sait pas non plus jusqu'où ira le changement si rien n'est fait pour limiter le taux de gaz carbonique dans l'atmosphère. On ignore aussi si certains points de non-retour seront atteints. Du méthane emprisonné dans les fonds marins pourrait se libérer avec le réchauffement des océans. Même chose pour le méthane emprisonné dans la toundra en Amérique et en Russie.