À deux semaines de la tenue des sommets du G8 et du G20 au Canada, six lauréates du prix Nobel de la paix exhortent le premier ministre Stephen Harper à mettre les changements climatiques à l'ordre du jour des priorités discutées lors des rencontres des plus grands leaders mondiaux.

«La dégradation de l'environnement, le réchauffement climatique et leurs effets sont des enjeux économiques et de sécurité, tout autant que d'environnement. L'échec de la lutte contre les changements climatiques mettrait l'économie mondiale en péril», écrivent les lauréates, dont l'Iranienne Shirin Ebadi et la Kényane Wangari Maathai, dans une lettre adressée hier au premier ministre.

Elles joignent ainsi leurs voix à un concert de protestations, ici et à l'étranger, qui reproche au gouvernement canadien d'avoir fait de l'enjeu de l'environnement le parent pauvre des prochains sommets des leaders mondiaux.

Le Canada étant l'hôte des deux événements, qui se dérouleront coup sur coup à Muskoka, puis à Toronto, fin juin, plusieurs réunions préparatoires se sont déroulées dans les derniers mois au pays. Les ministres des Affaires étrangères du G8 se sont réunis à Gatineau en mars. Le mois suivant, Bev Oda rencontrait ses homologues ministres du Développement à Halifax. Sans compter les rencontres préparatoires des ministres des Finances, du G7 et du G20. Mais en environnement, rien.

Interrogé cette semaine sur l'absence de rencontre préparatoire avec ses homologues du G8 ou du G20, le ministre canadien de l'Environnement, Jim Prentice a répété la position du gouvernement conservateur: il existe d'autres forums internationaux, plus appropriés, pour traiter de cette question.

«Nous avons eu la rencontre de Copenhague, en décembre dernier, qui s'est soldé par une entente impliquant le plus grand nombre de leaders internationaux de l'histoire, a dit M. Prentice. Les ministres de près de 200 pays ont maintenant la responsabilité de transformer ça en un traité international. On travaille selon le processus de la Convention cadre des Nations unies. Comme gouvernement canadien, on participe aussi aux rencontres du Forum des économies majeures, qui se réunit régulièrement.»

Or, pour les environnementalistes, le Canada fait cette année exception à la règle.

«C'est vraiment un détournement de ce qui se fait traditionnellement, estime Dale Marshall, de la Fondation David Suzuki. Les rencontres des ministres de l'Environnement du G8, c'était institutionnalisé depuis les années 90. Il y a une année où il n'y en a pas eu, c'était aux États-Unis, sous George Bush. Et il y a eu des réunions des ministres de l'Environnement pour le G20 aussi.»

Dans les dernières années, la plupart des sommets du G8 et du G20 se sont conclus avec des engagements en matière de lutte contre les changements climatiques, souligne Clare Demerse, de l'Institut Pembina. «Dans tous les cas, il y avait eu auparavant des rencontres des ministres de l'Environnement, qui avaient préparé le terrain», explique l'environnementaliste.

Des prix Nobel

Tous s'entendent pour dire que c'est avec le processus instauré par l'ONU que les grandes décisions seront prises en matière de changements climatiques. Mais les environnementalistes, les partis de l'opposition à Ottawa et même les six lauréates du prix Nobel s'entendent sur une chose: faire de cette question une priorité aux sommets du G8 et du G20 permettrait de faire progresser les dossiers toujours en litige.

C'est le cas notamment du financement de l'adaptation aux changements climatiques dans les pays en développement, croit Mme Demerse.

«C'est très spécifique aux pays du G8, qui sont les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, les plus importants pollueurs et les pays les plus riches de la planète, souligne-t-elle. On voudrait les voir s'engager à soutenir les pays en développement.»

Pour les partis de l'opposition à Ottawa, c'est tout simplement une erreur de ne pas avoir convoqué de rencontre préparatoire des ministres de l'Environnement, alors que les effets des changements climatiques se reflètent sur tous les autres aspects, économiques et sociaux, qui seront traités lors des sommets.