La semaine dernière, le commentateur de droite Rush Limbaugh a bien involontairement placé sous les feux des projecteurs un débat jusqu'à maintenant passé inaperçu: faut-il allouer des crédits de carbone aux couples qui décident de ne pas avoir d'enfants?

L'animateur de radio américain s'est insurgé contre un chroniqueur en matière d'environnement du New York Times, Andrew Revkin, qui a écrit à plusieurs reprises ces dernières années sur le sujet. «S'il pense vraiment que l'humanité est en train de détruire la planète et le climat, pourquoi ne se tue-t-il pas pour sauver la planète?» a tonné M. Limbaugh, qui a fait un parallèle entre M. Revkin et les terroristes qui utilisent des enfants comme bombes humaines.

L'hypothèse est bien réelle. À la mi-septembre, des économistes de la prestigieuse London School of Economics ont calculé que réduire de 72% les grossesses non désirées chez les femmes mariées permettrait de réduire la population mondiale de 9,1 à 8,6 milliards de personnes en 2050 et d'éviter l'émission de 34 gigatonnes (milliards de tonnes) de CO2 dans l'atmosphère. Ce serait une aubaine: un tel programme ne coûterait que 220 milliards US, soit 7$ par tonne de carbone, quatre à cinq fois moins que les technologies de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En août, une autre étude, de l'Université d'État de l'Oregon, avait calculé qu'un couple qui choisirait une voiture consommant peu, réduirait son kilométrage, isolerait sa maison et choisirait des électroménagers et des ampoules efficaces verrait tous ses efforts anéantis s'il décidait d'avoir deux enfants - qui représentent une «empreinte de carbone» 40 fois plus importante que tous les gains possibles dans une vie urbaine normale. L'étude calculait qu'un enfant nord-américain avait une empreinte de carbone sept fois supérieure à celle d'un enfant chinois.

Ces études ont amené Andrew Revkin à proposer la vente de crédits de carbone pour les couples sans enfants, ou la contraception. En d'autres mots, les organismes qui facilitent la planification familiale dans les pays pauvres où ces services ne sont pas offerts, ou alors une femme qui s'engagerait à ne pas avoir d'enfants (en ayant une hystérectomie, par exemple), pourraient avoir accès à des sommes d'argent. Ces crédits récompensent habituellement la protection des forêts ou l'utilisation de technologies moins polluantes (par exemple une centrale au charbon plus efficace).

Le journaliste new-yorkais a même trouvé une étude qui remet en question l'équation voulant que plus une société s'enrichit, moins elle a d'enfants. Le démographe de l'Université de Pennsylvanie qui a publié l'étude a calculé que passé un indice de développement de 0,9 (le Canada est à 0,966), le nombre d'enfants recommence à augmenter. Cela n'empêchera pas la population mondiale d'atteindre un sommet d'environ 9 milliards, qui ne sera pas beaucoup dépassé. Mais comme les enfants des pays riches ont le pas pesant sur le plan du carbone, c'est une mauvaise nouvelle pour la lutte contre l'effet de serre.

Le climat et les Inuits

L'activiste inuite Sheila Watt-Cloutier sera de passage mardi prochain aux Journées québécoises de la solidarité internationale, à l'UQAM. La conférence d'ouverture portera sur les changements climatiques, qui toucheront de manière disproportionnée les régions polaires.

Encore Bjorn Lomborg

Le statisticien danois Bjorn Lomborg, qui affirme depuis plusieurs années que le réchauffement de la planète est un problème moins pressant que l'accès à l'eau potable ou la lutte contre la malaria, vient de visiter l'archipel de Vanuatu, en Océanie, qui est devenu en 2005 le premier exemple de migration due aux changements climatiques. L'ONU avait alors recensé le déplacement d'un village côtier de 100 habitants de Vanuatu, à cause des tempêtes plus fréquentes, jusqu'à un emplacement situé à un demi-kilomètre à l'intérieur des terres.

Dans un essai publié par le Wall Street Journal, M. Lomborg a affirmé que le manque d'eau potable, la malaria et la pauvreté sont des problèmes beaucoup plus importants aux yeux des habitants de l'archipel qu'il a rencontrés. Les critiques du statisticien danois considèrent qu'il est au mieux naïf de croire que les budgets réservés à la lutte contre les changements climatiques seraient entièrement dirigés vers d'autres problèmes frappant les pays pauvres.

Photo: André Tremblay, La Presse

Le statisticien danois Bjorn Lomborg