L'idée de réclamer cinq sous au consommateur qui achète une boisson gazeuse, puis de les lui rendre lorsqu'il rapporte le contenant vide, a un petit quelque chose de suranné.

Habitués au tri des déchets, les Québécois ne semblent plus vraiment avoir besoin d'un «nanane» pour poser «le bon geste». D'où la recommandation de la Commission de l'environnement de l'Assemblée nationale d'abolir la consigne.Cette suggestion, faite l'an dernier, était une réponse directe aux pressions des grandes chaînes de supermarché, des restaurateurs et des détaillants en alimentation, qui ne veulent tout simplement plus se charger de cette tâche.

Or un rapport déposé à l'Assemblée nationale, et obtenu par La Presse grâce à la Loi d'accès à l'information, jette un nouvel éclairage sur la question.

Comparant entre eux les provinces et États américains ayant une consigne et ceux qui se fient exclusivement à la collecte sélective, la firme CM Consulting en arrive à un constat brutal : «Une révocation du programme de consignation entraînerait une baisse de la récupération de toutes les matières.»

Imaginez : sans consigne, le taux de récupération des canettes de boissons gazeuse chuterait de 70 % à 46 %. Celui des canettes de bière, de 71 % à 51 %. Et celui des bouteilles de plastique, de 73 % à 51 %.

On jetterait donc à la poubelle des années d'effort et de sensibilisation... ainsi que 3000 tonnes supplémentaires d'aluminium, 4000 tonnes de verre et 3000 tonnes de plastique. Chaque année.

De manière tout à fait tordue, l'enfouissement d'une portion des matières recyclables pourrait sembler intéressant au moment où les centres de tri débordent. Mais à n'en pas douter, il constituerait à plus long terme un recul environnemental majeur.

D'autant, ajoute la firme d'experts, que l'abolition de la consigne provoquerait certains dommages collatéraux. Les villes, par exemple, verraient leurs coûts d'enfouissement et de collecte sélective augmenter. Les embouteilleurs auraient à réviser à la hausse leur cotisation au recyclage. Et le Québec verrait ses émissions de gaz à effet de serre bondir...

S'appuyant sur une étude d'Environnement Canada qui évalue l'ensemble des émissions reliées à différents traitement des matières, dont le recyclage, CM Consulting prédit en effet que la révocation de la consigne entraînerait une hausse de 40 000 tonnes de gaz à effet de serre, ce qui correspond à l'ajout de 7326 voitures sur les routes chaque année.

La firme de consultants ne recommande donc pas d'abolir la consigne, mais plutôt... de l'augmenter et de l'élargir aux bouteilles d'eau et de vin.

«L'augmentation de la consigne, écrit-on dans ce rapport datant de 2008, aura pour conséquence d'augmenter d'au moins 10 % le taux de recyclage global, ce qui entraînera des gains dans la récupération des matières, dans la valeur des matières et des bénéfices environnementaux, grâce aux émissions de gaz à effet de serre enrayés par le recyclage.»

Bref, on s'attaque d'un coup aux échecs répétés des politiques québécoises de recyclage, au problème de qualité des centres de tri et aux changements climatiques. Bien difficile pour le gouvernement Charest, en pleine élaboration de la future politique de recyclage, d'ignorer un tel rapport.

Avec la collaboration de William Leclerc

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Taux de recyclage :

Bouteilles de bière consignées : 98 %

Bouteilles d'eau non consignées : 44 %

Source : CM Consulting

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Un milliard de bouteilles...

Statistique Canada révélait mardi dernier que l'eau en bouteille faisait fureur au pays, surtout auprès des citoyens branchés sur un réseau d'aqueduc municipal. Ils n'ont manifestement pas confiance à l'eau des villes. C'est d'ailleurs cet attrait pour l'eau en bouteilles qui a poussé l'Union des municipalités à exiger de Québec une consigne sur ce type de contenants. Dans une lettre récemment envoyée au gouvernement, les villes demandent une action rapide, notant qu'il s'est vendu en 2008 dans la province environ un milliard de bouteilles d'eau!

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«Nous pourrions bien rationner le nombre de vols que prennent les gens.»

Selon le président du comité britannique sur les changements climatiques, Lord Turner, les citoyens auront dans l'avenir des quotas personnels de vols, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'industrie de l'aviation.