La machine à rumeurs s'est emballée, jeudi, dans le dossier du jeune détenu canadien Omar Khadr. La plus grande confusion entoure maintenant le procès historique qui, finalement, ne reprendra pas comme prévu lundi prochain à Guantánamo.

D'intenses négociations étaient en cours, jeudi, entre les avocats du gouvernement américain et ceux de M. Khadr en vue d'arriver à une entente à l'amiable. S'ils y parviennent, le procès hautement médiatisé du plus jeune détenu de la prison de Guantánamo n'aura pas lieu.

Omar Khadr est notamment accusé d'avoir tué d'un soldat américain en juillet 2002, en Afghanistan. Il n'avait alors que 15 ans. Si la commission militaire américaine le déclare coupable, il est passible de la prison à vie.

Le procès tant attendu, commencé en août dernier, s'est abruptement interrompu lorsque l'avocat de la défense, le lieutenant-colonel Jon Jackson, s'est évanoui dans la salle d'audience.

Jeudi, en milieu de journée, la chaîne arabe d'informations en continu Al Arabiya, citant des sources proches du dossier, a annoncé qu'une entente à l'amiable avait été conclue. Selon Al Arabiya, elle prévoirait que le jeune prisonnier, maintenant âgé de 24 ans, rentre au Canada, où il est né, pour purger la majeure partie de sa peine.

Puis, l'agence Postmedia News a renchéri et indiqué qu'Omar Khadr accepterait de plaider coupable à tous les chefs d'accusation, dont meurtre, tentative de meurtre et soutien au terrorisme, en échange d'une peine réduite de huit ans, dont sept ans dans une prison canadienne.

Rapidement, les avocats canadiens de M. Khadr ont tempéré les rumeurs. Ils ont confirmé que des négociations étaient en cours dans donner davantage de détails.

«Il n'y a pas encore d'entente à ce stade», a souligné Nathan Whitling, un des deux avocats canadiens. Son collègue, Dennis Edney, a déclaré sur les ondes de CBC que des négociations avaient souvent eu lieu dans le passé mais qu'elles avaient achoppé lorsque venait le temps d'obtenir l'accord du gouvernement canadien, qui s'est toujours opposé au rapatriement de son ressortissant.

Le bureau du premier ministre Stephen Harper s'est d'ailleurs empressé de rejeter catégoriquement l'idée même d'une entente à l'amiable.

«M. Khadr fait face à de sérieuses accusations aux États-Unis, a expliqué M. Harper, de passage à Sainte-Anne-des-Monts. Ces accusations devront être traitées aux États-Unis et, jusqu'à ce que ce soit fait, je n'ai pas d'autre commentaire.»

«La rumeur n'est pas vraie. Il n'y a pas d'entente», a ajouté son directeur des communications, Dimitri Soudas.

Selon Stéphane Beaulac, professeur de droit à l'Université de Montréal, Ottawa n'aura son mot à dire que si le fait de purger une partie de la peine au Canada est une condition fondamentale de l'entente.

Les avocats pourraient par exemple s'entendre pour que le jeune homme plaide coupable à certains chefs d'accusation, voire à tous, en échange d'une peine de prison réduite, sans faire appel aux autorités canadiennes. Ce n'est qu'après, au moment de déterminer où sera purgée la peine, que le gouvernement canadien pourrait être appelé à collaborer, estime-t-il.

«C'est quand même ironique que le Canada, qui a refusé de s'en mêler depuis le début en disant que ça relevait de la justice américaine, veuille maintenant s'en mêler pour empêcher une entente entre deux équipes de procureurs américains», a souligné M. Beaulac.

En fin d'après-midi, le département américain de la Défense a annoncé que, à la suite d'une réunion virtuelle entre le juge Patrick Parrish et les avocats des deux parties, le procès avait été reporté au 25 octobre.

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LES DATES DU PROCÈS

> Janvier 2006: premières audiences préliminaires.

> Juin 2006: la Cour suprême des États-Unis déclare les commissions militaires inconstitutionnelles.

> Octobre 2006: signature du Military Commissions Act of 2006, qui légitime les commissions militaires.

> Février 2007: mise en accusation d'Omar Khadr pour meurtre en contravention avec les lois de la guerre, tentative de meurtre, complot, soutien matériel au terrorisme et espionnage.

> Juin 2007: le juge Peter Brownback rejette les accusations.

> Septembre 2007: les accusations sont réinscrites.

> Octobre 2008: après de multiples délais, le procès est reporté au mois de janvier 2009.

> Janvier 2009: lors de sa prestation de serment, Barack Obama suspend le fonctionnement des tribunaux militaires d'exception instaurés par l'administration Bush et s'engage à fermer Guantánamo dans l'année.

> Août 2010: Début du procès, immédiatement suspendu en raison des ennuis de santé de l'avocat de la défense.

> Octobre 2010: La reprise du procès est de nouveau reportée.