Il n'y a pas d'espresso bien tassé, pas de cartes à jouer, pas de télé branchée sur le foot. Il n'y a ni tables, ni chaises. Et pourtant, chaque matin depuis des années, Giovanni Vincelli et ses amis se rassemblent dans l'entrée du métro Fabre. L'été, ils sortent dehors. Mais l'hiver, appuyés sur les rebords de béton des fenêtres, la dizaine de vieux Italiens évoquent, matin après matin, leurs souvenirs de la Molise.

Giovanni et ses amis sont tous originaires de cette région, 300 kilomètres au sud de Rome. Une région de soleil et de chaleur, à des années-lumière de l'hiver québécois. Les vieux Italiens se rappellent l'époque où ils couraient dans les rues de leurs villages. « Il y en a ici avec qui j'ai joué quand j'étais petit. On vient du même petit village », souligne M. Vincelli.Ils ont tous immigré au Québec à la fin des années 50. « La traversée en bateau prenait 8 à 15 jours à l'époque. Dépendant de la température. C'était toute une aventure », se souvient Carmine Cianitte, l'un des amis de M. Vincelli.

Dans les années qui ont suivi leur arrivée, ils ont tous travaillé dur. Giovanni Vincelli a bossé pendant 34 ans à Sidbec-Dosco, une fonderie de fer de Ville-Émard. Il a vu plusieurs de ses amis quitter ce quartier où ils avaient atterri, pour des maisons plus cossues dans Saint-Léonard ou Rivière-des-Prairies. « Moi, je suis resté. J'aime le quartier », dit-il. D'autres, comme lui, ont choisi de continuer d'habiter les rues modestes de Villeray.

Les compagnons de la Molise sont maintenant tous retraités. Ils sont devenus vieux. Et, chaque matin, ils se rassemblent métro Fabre pour parler de leurs vies.

À 11 h 30 pile, ils partent. Ils arrêtent à la boulangerie San Pietro pour acheter du pain, puis vont dîner avec leurs épouses. « Rester toute la journée à la maison, c'est long. Ici, on est bien. Il fait chaud », dit M. Vincelli.

C'est vrai. Il fait chaud, métro Fabre. On dirait presque que le soleil de la Molise a pénétré ces grandes fenêtres couvertes de graffitis.