Pierre a 3 % de vision centrale. Il a perdu la vue progressivement, à cause d'une maladie dégénérative de la rétine. Dans la vie, il est traducteur de braille.

Avant, il habitait à Trois-Rivières. Mais l'an dernier, il s'est installé à Montréal. À cause du métro, justement. « Plus facile. Plus sécuritaire. Bon pour l'autonomie », explique-t-il.Pour bien naviguer dans le réseau, Pierre « apprend » une nouvelle station par semaine. D'où sa présence à Peel, en plein après-midi. Quand nous l'avons rencontré, il était en train de mémoriser les accès et les escaliers.

Cet exercice de « mentalisation », comme il dit, se fait à tâtons. En se servant de sa canne, de ses oreilles, en suivant les foules, les appels d'air et son sens de l'orientation.

« Chaque station représente un défi, raconte Pierre. Elles n'ont pas toutes la même approche architecturale et le même éclairage. Il y en a qui sont plus sombres et plus compliquées. Les stations de correspondance surtout, comme Jean-Talon, Lionel-Groulx ou Snowdon. Il y a beaucoup de directions. Beaucoup d'escaliers. Ce n'est pas toujours facile de conserver la logique nord-sud, est-ouest. »

Avec 80 stations dans tout le réseau, Pierre avoue qu'il est impossible de tout retenir. C'est la « mémoire instinctive », dit-il, qui finit par combler les trous. Il ajoute que l'Institut Nazareth et Louis-Braille, à Longueuil, est en train d'achever un plan du métro, conçu spécialement pour les non-voyants.

Cela dit, il y aura toujours des embûches pour les aveugles du souterrain. « Quand on entre dans le métro, il faut être prudent. C'est important de sonder le plancher avec sa canne. J'en connais un qui est tombés entre deux wagons. Il s'est cassé le talon. Heureusement, le train n'a pas bougé. On a tiré la sonnette d'alarme. »