Votre enfant vous a-t-il parlé de son cours de science récemment? Non? C'est probablement parce qu'il n'en a pas eu. Ou qu'il n'en a rien retenu.

Plus de 80% des élèves du primaire ont devant eux «un enseignant qui n'a pas une formation moindrement significative en sciences», dit un rapport sur l'enseignement des sciences au Québec, qui sera bientôt déposé à l'UNESCO dans le cadre d'une enquête mondiale sur la question.

 

L'auteur, le didacticien Jesus Vazquez-Abad, de l'Université de Montréal, estime que l'enseignement des sciences, au Québec, est dans un piètre état, tant au primaire qu'au secondaire. Si rien n'est fait pour corriger le tir, on pourrait voir se creuser le fossé entre les besoins de l'économie du savoir et la formation des jeunes.

La réforme scolaire, qui terminera en 2009-2010 son implantation, n'a rien fait pour améliorer les choses. Au contraire, les écoles primaires ont réduit le nombre d'heures consacrées aux sciences. Alors que cette matière devait être enseignée de 60 à 90 minutes par semaine avant la réforme, elle ne fait plus l'objet aujourd'hui d'aucune directive précise. L'approche socioconstructiviste préconise plutôt un enseignement «intégré», c'est-à-dire un saupoudrage dans les autres matières. Inutile de dire que les enseignants, déjà aux prises avec les objectifs des disciplines de base, n'ont pas la tête à expliquer la différence entre une cellule et un atome ou entre un virus et une bactérie...

Depuis 2002, on refuse au bachelier en biologie, en physique ou en chimie de devenir enseignant dans une école primaire ou secondaire sans subir une longue formation en sciences de l'éducation. Aux yeux du ministère, il vaut mieux être un pédagogue professionnel qu'un scientifique pour enseigner les sciences.

Cela provoque une pénurie aux effets désastreux. Les écoles doivent recourir aux «tolérances» pour pousser devant des classes de science des personnes sans permis d'enseigner. Le tiers des 2345 enseignants sans permis dans le réseau scolaire (2007) se retrouvent en mathématiques, sciences et technologies.

Cela se déroule au moment où l'enseignement des sciences devient un enjeu mondial. Plusieurs pays d'Europe, d'Asie et d'Amérique ont participé à l'état des lieux de l'UNESCO auquel le professeur Vazquez-Abad joue un rôle de coordination. Ces travaux devraient, à terme, donner des lignes directrices sur la matière et la méthode à préconiser, tant dans les pays industrialisés que dans ceux en développement.

Les États-Unis n'ont pas attendu pour agir. Dans un discours remarqué, le 27 avril, le président américain Barack Obama a signalé qu'il voulait doter les écoles de tout le pays de meilleurs programmes scientifiques. En annonçant une hausse du budget de 5 milliards au Secrétariat à l'éducation, le président a mis au défi les États de trouver le moyen d'améliorer la réussite en mathématique et en science.

Cela dit, le Québec a obtenu d'excellents résultats dans des concours internationaux. Souvent citée, le quatrième rang (sur 57 pays) des Québécois de 15 ans au Programme international d'acquis des élèves (PISA) laisse croire que la formation scolaire est adéquate. Il ne faut pas oublier que ce résultat exclut forcément les 30% de jeunes qui ont quitté le réseau scolaire, ce qui crée en quelque sorte une sélection des meilleurs à la fin du secondaire. De plus, le dernier PISA a été administré avant l'implantation de la réforme. Que révélera la prochaine édition?

Au cours des dernières années, on a abondamment traité des effets du Renouveau pédagogique sur l'enseignement du français, de l'anglais, de l'histoire et de la culture religieuse. Il est temps que l'on se penche sur l'enseignement des sciences et des technologies. Car il se trouve que, bien enseignées, celles-ci sont les plus vivantes qui soient. Certains y voient même un antidote au décrochage scolaire des garçons. Mais de façon générale, c'est la culture scientifique des citoyens de demain qui est en jeu.

Mathieu-Robert Sauvé

L'auteur est président de l'Association des communi-cateurs scientifiques du Québec (acs.qc.ca), qui tiendra son congrès annuel le 21 mai à la salle Jean-Desprez de Radio-Canada.