Mme Petrowski, dans votre chronique, vous décrivez fort bien un phénomène de société concernant une partie du sentiment identitaire québécois et ce qu'il faut pour faire un Québec fort et en santé.

Si le «public de Star Académie» est intoxiqué, je pense que votre opinion sur ce phénomène l'est tout autant. Il l'est par un certain mépris du peuple caractéristique de bien des élites, y compris les nôtres: «Le peuple ne sait pas se mobiliser pour du sérieux.»

 

Mais je peux comprendre qu'on puisse n'y avoir pas trouvé d'antidote et qu'on y succombe. En effet, la mobilisation politique du peuple semble être tout ce qu'il y a de désespérant, compte tenu du fait qu'elle ne semble exister que pour ce que l'on peut considérer comme étant des futilités. Cependant, en n'étant pas aveuglé par des étoiles trop proches, le phénomène que vous décrivez me semble plutôt être tout ce qu'il y a d'encourageant.

Il permet de canaliser ce que nous pourrions qualifier de dignité et fierté de la pluralité des régions du Québec. Je ne pense pas que ce soit bêtement de la soumission à un système de vedettariat abrutissant. Au contraire. Ce qui pousse le public de chaque région à se mobiliser autour de l'un des siens, ne fût-ce que des pousseurs de chansonnettes, ce n'est pas l'air de la chanson ou l'air de la «vedette», mais bien un sentiment identitaire régional en concurrence les uns avec les autres, tout ce qu'il y a de profond, prometteur et sain à plusieurs égards.

Les régions du Québec ont en commun d'avoir toutes été saignées à blanc depuis l'industrialisation de la métropole qui a vidé les campagnes du Québec.

Le système stellaire québécois qui rayonne depuis, depuis Montréal, est composé pour beaucoup de cette déracinée diaspora québécoise qui a affamé et mis en périphérie ce qui auparavant était au centre de nos orbites sociétales. De Gilles Vigneault à Guylaine Tremblay, de Jean Leloup à Marie Tifo, de Pascale Picard à Guy et Louis Bélanger, de Bob Walsh à Dédé Fortin, d'André Robitaille à Richard Desjardins...

Ce que font les régions du Québec en se mobilisant pour de supposées futilités n'a rien de futile. Déjà là, c'est politique, elles se mobilisent. Si elles ne se mobilisaient pas pour des futilités, le feraient-elles pour autant autrement? Et... il se trouve qu'elles le font aussi autrement, mais cela se trouve à n'être pas aussi tonitruant, quand ce n'est tout simplement pas ignoré, même crié à haute voix. Les régions se battent tous les jours pour faire de leur terroir, de leur milieu de vie quelque chose qui ne soit pas intoxiqué par ce qui nous vient indubitablement de Montréal... via des médias centralisés.

Ce que ce phénomène laisse entendre c'est qu'il témoigne de la vitalité des régions et de leur dur désir de durer. L'émission participe à l'expression de ce désir, je dirais même qu'il l'encourage et développe de belle et profonde façon en permettant de la manifester, même s'il était question de futilités commerciales. Je ne vois pas pourquoi il faudrait déjà vouloir que cela se manifeste aussi politiquement. Cela viendra en son heure.

Pour une fois, ce centre du monde n'est pas Montréal... n'est pas que Montréal... Et pourtant... L'équipe de Julie est tout ce qu'il y a de Montréalais, c'est donc tout à l'honneur de leur travail de mise au monde d'un pays qui est tout autre chose qu'une vague région uniforme du Canada multiforme et pluriel...

Quand la Beauce vote en masse pour un tel ou une telle à l'Académie stellaire de Julie & Co., elle ne se mobilise par que pour une chansonnette, elle vote pour sa survie, vote contre l'expatriation de sa jeunesse, vote pour le développement de ses ressources, vote pour un représentant de son succès et de son rayonnement, vote pour ce que produit son terroir et ses habitants, à savoir qui du foie de canard, qui un fromage fin, qui des structures d'acier, et toutes, des enfants pleins de vie et de talents. Ne reste qu'à donner au peuple du Québec de tous ses terroirs d'autres occasions de voter en ces faveurs.

L'auteur est artiste-peintre dans la région de Québec. Il réagit à la chronique Star Intoxication, de Nathalie Petrowski, publiée dans La Presse du 15 avril.