La flamme indépendantiste n'est plus la même qu'au lendemain de l'échec de l'Accord du lac Meech en juin 1990. Les partis fédéralistes, aussi bien sur la scène provinciale que sur la scène fédérale, ne proposent plus rien sur le plan constitutionnel.

François Legault, lui, nous propose de ne plus parler de la question nationale pendant les 10 prochaines années. Le Parti libéral du Québec et la Coalition avenir Québec essaient de nous faire croire qu'il faut passer à ce qu'ils appellent les vraies affaires, principalement la santé et l'éducation. Selon eux, le fruit ne serait pas mûr et il ne faudrait plus perdre d'énergie à négocier quoi que ce soit avec le Canada.

Depuis que les Québécois ont dit «non» pour une deuxième fois en 1995 à la possibilité de passer d'un statut de province à un statut de pays, les politiciens provinciaux se sont remis essentiellement aux affaires provinciales. Lors des quatre dernières élections, la question nationale a été oblitérée par la santé, le déficit zéro, la conciliation travail-famille, l'abolition des commissions scolaires, les défusions, les accommodements raisonnables et l'économie. L'Action démocratique du Québec a effleuré sans grande profondeur l'autonomisme en 2007.

Voilà maintenant 16 ans que la question constitutionnelle est mise de côté. Pire, le Québec fait partie du Canada depuis 30 ans sans avoir signé la constitution qui lui a été imposée. Le Québec est-il trop indépendantiste pour accepter de vivre dans le Canada multiculturel et unilingue de la Constitution de 1982 tout en étant trop fédéraliste pour devenir un pays indépendant?

Ce n'est pas tant que la question constitutionnelle soit désuète, c'est l'absence d'une solution satisfaisante qui rend la question inintéressante. Actuellement, l'offre politique constitutionnelle est prisonnière du peu d'intérêt du Canada à faire une place aux Québécois et de la peur des indépendantistes de perdre un troisième référendum. La CAQ avait l'occasion de proposer une troisième voie réellement nationaliste avec du mordant en utilisant le levier du Renvoi de la Cour suprême relatif à la sécession du Québec de 1998, qui oblige autant le Canada que le Québec à négocier de bonne foi toute modification constitutionnelle proposée par le Québec. Forcément, le Québec ferait des gains.

Si j'étais un vrai autonomiste et non un nationaliste très mou comme la plupart des caquistes, je proposerais aux Québécois un référendum sur les quelques points d'autonomie précis à aller arracher au gouvernement fédéral. Je demanderais aux Québécois s'ils veulent que le Canada les reconnaissent constitutionnellement comme étant une des deux nations du Canada. Ainsi, les jugements de la Cour suprême en seraient automatiquement teintés positivement pour la nation québécoise.

Je demanderais aussi aux Québécois s'ils veulent la souveraineté culturelle, c'est-à-dire tous les pouvoirs en matière de langue, d'immigration, de télécommunications et de culture. Les sondages nous disent que plus de 75% des Québécois sont d'accord. Le Québec ferait inévitablement des gains puisque le Canada serait obligé de négocier de bonne foi et aussi parce que le négociateur québécois s'appuierait sur une majorité claire.

Pour l'instant, les nationalistes mous de la CAQ nous proposent de faire des ententes administratives avec le Canada comme... les libéraux qui sont fédéralistes! Quelle est la différence entre ce nationalisme chevrotant et le fédéralisme de Jean Charest?

Quand d'emblée, une formation politique ne veut pas toucher à la Constitution, ne veut pas proposer l'indépendance si nécessaire et qu'elle ne veut pas s'appuyer sur la volonté populaire pour négocier avec le Canada, on peut qualifier cette formation de fédéraliste au même titre que le PLQ.