Depuis toujours au Québec, nous manifestons une grande fierté à mettre en valeur les ressources de notre territoire. S'il est vrai qu'au fil des ans, le récit de l'exploitation des ressources s'est grandement transformé par l'ajout de thèmes incontournables, comme la maximisation des retombées économiques et le développement durable, une réalité s'impose: la volonté des Québécois de tirer profit de la meilleure façon possible des ressources de notre territoire ne s'est jamais démentie.

Dans ce contexte, une question domine: pourquoi n'en serait-il pas de même au sujet de l'exploitation des ressources gazières de chez nous?

Or, depuis plus d'un an, la discussion sur l'exploitation des gaz de shale soulève des passions. La précipitation manifestée tant par le gouvernement que par l'industrie ajoutée à notre manque de connaissances généralisé a, à juste titre, échauffé bien des esprits. Devant le barrage qui se levait, le gouvernement a édicté pour deux ans un quasi-moratoire, le temps de mener de nouvelles études. La vigilance des citoyens a été récompensée, Québec a pris ses responsabilités et a mis en oeuvre le principe de précaution.

Pendant cette pause où le gouvernement relègue à d'éminents spécialistes le soin de nous éclairer, nous serions mal avisés de rester les bras croisés. Voici pourquoi.

Une grande majorité de ceux qui ont réclamé un moratoire n'ont pas fermé la porte à l'industrie. Ils réclament plutôt avec véhémence un encadrement juridique clair, apte à protéger la qualité de leur environnement. Ceux qui la composent sont encore à l'écoute et en attente.

Au même moment, l'industrie, elle, travaille. Elle s'adapte, le ton change. Tout récemment, l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) s'engageait formellement à divulguer une liste exhaustive des produits utilisés dans le processus de fracturation et à publier tous les renseignements relatifs à l'utilisation de l'eau. C'était d'ailleurs un prérequis à tout dialogue sérieux.

De plus, s'il est difficile de quantifier aujourd'hui l'ensemble des retombées économiques, trois choses semblent certaines.

Premièrement, tout indique qu'elles pourraient être fort importantes. SECOR évoque la création de 5000 à 19 000 emplois en région dans les secteurs de l'exploration et de l'exploitation, et une réduction de déficit commercial de 800 millions à 3 milliards de dollars par année.

Ensuite, l'exploitation efficace de la ressource n'est possible que si une industrie des services voit le jour au Québec. Pour chaque emploi créé dans le secteur de l'exploration ou de l'exploitation, dix naissent dans le secteur des services.

Finalement, il est impératif d'obtenir plus d'informations sur la quantité et la qualité des ressources disponibles. Les exercices de fracturation hydraulique rendus possibles dans le cadre l'évaluation environnementale stratégique en cours devraient nous éclairer.

S'il est vrai que le débat sur les redevances est important, celui sur l'actionnariat des compagnies l'est encore plus. Pourquoi les Québécois, à travers des sociétés mandatées à ces fins, ne partageraient-ils pas, avec l'industrie, les risques et les retombées associés au développement de l'industrie? Sans hésitations, je dis oui au codéveloppement de gaz de shale.

La protection de la santé des populations avoisinantes ainsi que la protection de l'eau et de l'air sont des impératifs. Je connais la compétence et la prudence de l'équipe du ministère de l'Environnement et j'ai confiance que nous saurons y arriver. Le jeu n'en vaudrait pas la chandelle si, sur ces questions, nous étions perdants. Ce qui ne veut pas dire que nous pouvons espérer qu'une main magique nous protège de tout incident. Comme en toute autre matière, il y a des risques à gérer.

Reconnaissons toutefois qu'il se creuse des milliers de puits par année au Canada et, qu'à ce jour, les prophètes de malheur ont été confondus. Reconnaissons aussi que l'empreinte carbone du gaz de schiste est inférieure à celle de bien d'autres sources d'énergie et que les effets de substitution sont réels.

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Ancien chef du Parti québécois, l'auteur est consultant en développement stratégique et en affaires publiques. Il agit entre autres à titre de consultant auprès du conseil d'administration de la société Questerre.