Les auteurs sont respectivement chargé d'enseignement à HEC Montréal et enseignant au cégep régional de Lanaudière à L'Assomption.

Au Canada, près d'un ménage sur deux ne peut pas se passer de sa prochaine paye. Est-ce que nous manquons d'argent? Peut-être, mais pourquoi? Nous en voulons toujours plus, mais saurions-nous gérer un revenu supplémentaire?

L'accès facile au crédit en berne plus d'un. Nul besoin d'être réellement capable de gérer un budget pour emprunter. Dès le début de l'âge adulte, on nous propose des cartes de crédit, des prêts hypothécaires, des financements à crédit de biens de consommation, des «forfaits» de cellulaires, et des «rien à payer avant de se réveiller avec une dette deux ans plus tard».

On entend souvent qu'un diplôme secondaire est le minimum nécessaire à l'obtention des connaissances requises pour former un citoyen et un futur travailleur. Le plan de formation de ce diplôme comporte pourtant une lacune majeure: la gestion de l'argent.

Un élève de secondaire doit obligatoirement suivre des cours d'anglais, de français, de mathématiques, d'histoire, de sciences et technologie, d'éducation physique, de morale, de connaissance du monde contemporain, d'art, d'éthique. Bien que le programme du ministère de l'Éducation mentionne l'importance des concepts économiques comme élément nécessaire à la formation de base, aucun cours n'est strictement consacré à la gestion des finances personnelles.

Ainsi, nous laissons le soin aux enseignants d'intégrer ces notions dans leurs différents cours. Mais voilà, lorsque personne n'a l'obligation d'enseigner spécifiquement une matière, nous risquons fortement de voir cet objet d'étude tomber entre deux chaises. Le programme du MELS est assurément fort complet, mais il semble y avoir des problèmes dans l'application de celui-ci, du moins sur le plan des notions de finances personnelles.

En fait-on suffisamment pour préparer le futur travailleur au seul élément auquel il sera confronté peu importe son domaine d'études: la gestion d'un budget? Que nous soyons médecin, éboueur, boucher, infirmière, ou artiste, nous avons un salaire à gérer et des décisions financières à prendre tout au long de notre vie. Mais y sommes-nous adéquatement préparés?

Toute formation de base devrait comporter une introduction à l'établissement d'un budget, aux coûts réels du crédit, à la consommation, aux notions d'investissements, d'épargne et de retraite, etc.

Certains ne seront pas convaincus de l'utilité de cette proposition. Mais, qui profite le plus de ce trou dans la formation de nos concitoyens? Les banques! En effet, la nature ayant horreur du vide, l'éducation financière des particuliers est principalement assumée par ces dernières.

Mais est-ce bien sage de laisser les banques proposer aux gens d'hypothéquer leur maison pour se payer un voyage, une voiture neuve ou une piscine creusée? Est-ce bien sage de laisser une institution financière proposer des solutions à des particuliers? Sachant que pour augmenter perpétuellement la rentabilité, les conseillers ont de la pression quant aux objectifs de vente, et ont aussi comme objectif d'augmenter leurs revenus de commissions. Agissent-ils toujours dans le «meilleur intérêt» de leurs clients?

On s'offusque du fait qu'une portion de la population soit analphabète, pourquoi ne s'offusque-t-on pas qu'une portion importante de la population ne sache pas réellement se comporter avec son argent?

Pour comprendre l'effet d'une décision financière sur son propre avenir et sur l'avenir de sa famille, il faut être à même de comprendre les bases du système. Pour comprendre comment notre gouvernement dépense notre argent, il faut avoir un minimum de connaissances de la gestion d'un portefeuille en «bon père de famille», sans quoi on ne peut pas faire de critique constructive.

Notre système d'éducation est un maillon essentiel du développement des citoyens, maîtriser ses finances personnelles est un maillon essentiel de la vie en société. Pensons autrement, soyons atypiques.