Pour la police de Montréal, l'amélioration du bilan routier passe par les piétons. Elle distribue ainsi chaque année, depuis 2008, un nombre grandissant de constats d'infraction à ces indisciplinés de la route. Elle a accru sa présence sur le terrain, rencontré les groupes les plus vulnérables et multiplié les opérations de sensibilisation et de contrôle.

Et pourtant, le nombre de piétons victimes de la rue ne cesse d'augmenter depuis... 2008.

L'échec est cuisant pour le SPVM. Le bilan 2010 qu'il a dévoilé la semaine dernière est peut-être globalement bon, mais il révèle que le nombre de piétons gravement blessés a bondi en une seule année de 50%! Plus inquiétant, cette hausse s'inscrit dans une tendance: 78 blessés en 2008, 87 l'année suivante, puis 125 l'an dernier.

Comment réagit le SPVM? En reconnaissant que cela ne cadre pas avec ses objectifs... puis en tapant de nouveau sur les doigts des piétons! La distraction est périlleuse, martèle-t-on, tout comme le fait de traverser la rue au mauvais endroit. Il faut donc mettre fin une fois pour toutes à cette dangereuse désobéissance.

En un mot: la coercition contre les piétons n'ayant pas marché, le SPVM décide d'accroître la coercition contre les piétons...

Or s'il y a une chose que ces données démontrent, c'est qu'il faut tenter autre chose, le problème étant ailleurs. On ne réduira pas le nombre de victimes de la rue en protégeant quelques marcheurs contre leur propre indiscipline, mais bien en protégeant le plus grand nombre des indisciplines - autrement plus dangereuses - des automobilistes.

Reconnaissons tout de suite une chose: la faute incombe autant aux conducteurs qu'aux bipèdes, chacun étant responsable de la moitié des collisions. Les deux sont donc tout aussi irrespectueux, distraits, adeptes des textos, portés à contrevenir au Code de la sécurité routière.

Mais l'insécurité, on s'entend, n'est vécue que par un seul des deux usagers. Celui qui est le plus vulnérable, lui dont l'environnement est dépourvu de ceintures de sécurité et de coussins gonflables, lui qui devrait donc, selon toute vraisemblance, être protégé de l'indiscipline de l'autre.

Le SPVM a toutefois décidé de faire l'inverse. Depuis l'ajout de 133 policiers consacrés à la sécurité routière, elle a multiplié les mesures répressives contre la victime. Cela s'est traduit, en 4 ans, en une hausse spectaculaire du nombre de constats d'infraction remis aux piétons, lesquels sont passés de 5000 à 15 500!

Au cours de la dernière année, la police a même augmenté le nombre d'opérations de sensibilisation et de contrôle des piétons... pendant qu'elle diminuait le nombre d'opérations de contrôle de la vitesse!

Il y a à Montréal un réel problème d'incivilité, une culture routière fondée sur le chacun-pour-soi qui se solde trop souvent en une victoire du gros contre le petit. Mais ce n'est certainement pas en s'acharnant sur ce dernier que l'on modifiera l'attitude des premiers.

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