Il y a un an cette semaine, Gérald Tremblay était réélu maire de Montréal. Pour l'occasion, La Presse propose un projet de société pour sortir la métropole de sa torpeur: une révolution des transports. Aujourd'hui, le deuxième de trois éditoriaux: un plan de match en trois points à l'horizon 2020.

La région de Montréal ressemble à une patinoire sur laquelle évoluent 82 joueurs simultanément. Des joueurs qui portent le même chandail, mais qui ne se gênent pas pour jouer égoïstement et même, pour «donner de la bande» à leurs propres coéquipiers.

Tout le monde veut compter un but, donc personne ne réussit.

Or en transport plus qu'ailleurs, cette situation a créé une sclérose institutionnelle qui empêche le réseau de prendre pied dans le XXIe siècle. Une sclérose née en partie d'un chevauchement entre de trop nombreuses organisations.

En témoigne par exemple le fait que la Communauté métropolitaine de Montréal, qui réunit les maires de la région, a exactement le même mandat de planification du transport que l'Agence métropolitaine de transport, une agence gouvernementale.

Pas étonnant que ces deux entités se regardent en chiens de faïence depuis près de 10 ans, et que la Communauté n'a toujours pas adopté le plan stratégique de l'Agence... de 2002!

1. Nouveau ministère

Pour mettre fin à cet enchevêtrement, la CMM propose d'avaler l'AMT, comme le proposait le rapport Bernard. Mais cela n'aurait pour effet que d'enfoncer encore plus la région dans le marasme! Car pour chaque enjeu, la Communauté se contente d'additionner les besoins des 82 maires qui la composent, de les noter en ordre alphabétique, puis d'envoyer le tout à Québec...

Pour dénouer cet embrouillamini, il faut plutôt donner au principal bailleur de fonds, Québec, les pleins pouvoirs de planification du transport collectif dans la région, comme le suggère le Groupe de travail sur la gouvernance de la Chambre de commerce de Montréal.

Mais attention! Pour s'assurer que les modes de transport alternatifs à l'auto ne soient pas enterrés par la voirie, il serait opportun d'adjoindre au MTQ un ministère délégué au transport en commun pour tout le Québec. Il aurait pour mandat d'asseoir ensemble villes et opérateurs, de concilier les divers intérêts dans la région métropolitaine, de faire les arbitrages nécessaires, et surtout, de trancher au moment opportun.

Contrairement à ce propose le Groupe de travail, cela impliquerait de conserver l'AMT, une agence gouvernementale aux assises régionales qui a fait ses preuves. Elle mettrait en oeuvre les orientations de Québec sur le terrain, tout en continuant à exploiter les trains. Seule chose: il faudrait faire passer d'un à trois le nombre de représentants de la Ville de Montréal sur son conseil.

Les maires de la CMM, enfin, continueraient à avoir leur mot à dire. D'abord, en s'exprimant lors d'une assemblée générale annuelle où les responsables de la planification seraient conviés. Ensuite, en adoptant certaines décisions stratégiques, comme les tarifs et le développement des services.

2. Comité ministériel

Lors de la formation du premier conseil des ministres de Jean Charest, en 2003, Montréal a subi deux affronts. La ville a d'abord été évacuée des priorités du ministère des Affaires municipales, puis elle a perdu son titre de «métropole». Montréal devenait alors une simple «région» parmi d'autres...

Il peut donc paraître curieux de souhaiter que Québec ait les deux mains sur le volant du transport dans la région. Mais la chose s'impose néanmoins, dans le contexte actuel... à condition d'ériger des balises claires pour s'assurer que les intérêts de la région soient pris en compte par le conseil des ministres.

D'autant que les liens entre Québec et la métropole ont été mis à mal ces dernières années. D'abord, parce que les élus de la région ont la vilaine réputation d'exiger toujours plus. Ensuite, parce que plusieurs ministres n'ont pas digéré que le maire Tremblay n'ait rien fait des pouvoirs habilitants de taxation qui lui ont été accordés après un intense lobbying de la ministre Beauchamp, lorsqu'elle était responsable de la «région» de Montréal.

Pour casser cette relation malsaine, susciter l'intérêt des ministres qui méconnaissent Montréal et faciliter la discussion entre Québec et la région, il serait opportun de constituer un comité ministériel permanent sur la région métropolitaine, doté d'un secrétariat.

Cela permettrait l'échange entre tous les ministères concernés par Montréal, en plus de fournir aux ministres des avis et recommandations, dans une optique métropolitaine, sur les projets de loi de règlement, de politique, de décret, de stratégie ou de plan d'action soumis à l'adoption du gouvernement.

Miser sur l'autobus et ses déclinaisons

3. Offre massive

Sur l'île de Montréal, la situation n'est pas beaucoup plus reluisante que dans la région métropolitaine. La STM, gouvernée par le tandem Labrecque-Devin, fait un excellent travail, mais il est handicapé par le manque de leadership de l'Hôtel de ville.

Un matin, le maire Tremblay soutient que le tramway est LA priorité. Le lendemain, c'est la navette aéroportuaire. Le surlendemain, le prolongement du métro vers l'Est, la desserte Pie-IX ou la rue Notre-Dame...

Or en politique, il est important d'avoir 1) du leadership, 2) un message sans équivoque, et 3) des priorités claires. Autant de choses qui font le succès de Québec, mais que l'on attend toujours à Montréal, où Gérald Tremblay, en plus d'être obsédé par le «consensus», semble avoir délaissé son rôle de maire au profit de celui de président de l'exécutif.

On se retrouve ainsi avec un audacieux plan de transport, mais un taux de réalisations de 10%!

Or il importe de peser sur l'accélérateur pour développer une offre en transport collectif qui soit à la hauteur des attentes, efficace et attrayante. Plutôt que de rêver à de vastes projets incertains, il faut développer des projets peu coûteux aux résultats immédiats, en misant sur l'autobus et ses déclinaisons.

Il faut, d'ici cinq ans, tripler la centaine de kilomètres de voies réservées, multiplier par 10 les mesures préférentielles aux feux de circulation, ajouter des circuits reliant l'île aux rives, étendre la mesure «10 minutes max» partout sur le territoire.

Pour ce faire, il faut diversifier l'offre d'autobus afin qu'elle gagne en fréquence et en souplesse, dans tous les secteurs de l'île: achat de nouveaux autobus articulés, de bus réguliers et intermédiaires et de minibus; multiplier les circuits de «service rapide par bus», comme celui qu'on tente péniblement de déployer sur Pie-IX; implanter un réseau initial de trolleybus.

Dans son plan décennal en cours d'élaboration, la STM prévoit faire passer le nombre de déplacements annuels de quelque 380 à 420 millions d'ici 2020. Mais avec des mesures vigoureuses et rapides ainsi que des mesures dissuasives à l'auto-solo, elle pourrait en réaliser plus de 540 millions, dans un délai plus rapproché, en outre.

Parallèlement, il sera toujours possible de planifier à l'horizon 2020 des moyens de transport plus lourds: une quinzaine de lignes de tramway, la desserte du pont Champlain, l'ajout de cinq stations sur la ligne bleue vers l'est, le prolongement de la ligne jaune vers le cégep Édouard-Montpetit et même, il faudra un jour s'y résigner, le doublement des voies sur la ligne orange.

On ne peut plus se contenter de tenter de répondre à une demande croissante, il faut la précéder. Après, et seulement après un développement massif du service de transport collectif, il sera possible de réduire le nombre d'autos sur l'île.

Lundi: Des transports à révolutionner

Mardi: Un plan en trois points

Mercredi: Financement en deux temps



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