L'édifice soigneusement érigé par le lobby québécois de l'amiante se fissure à grande vitesse.

L'appui unanime accordé au chrysotile par l'Assemblée nationale n'est plus qu'histoire ancienne, depuis l'élection du député Amir Khadir. Même chose pour le front commun des grands partis fédéraux, maintenant que le chef libéral défie la ligne historique de sa formation. Même le parti conservateur possède en son sein des députés en guerre contre l'amiante.

Reste maintenant au gouvernement Charest à entendre raison, à cesser d'appuyer par pur électoralisme une industrie qui sème la mort dans le monde.

En plus des 90 000 décès qu'on lui impute chaque année, l'amiante est en train de tuer à petit feu la crédibilité qu'ont acquis le Québec et le Canada sur la scène internationale, dans le domaine de la santé publique.

Il est pathétique de voir le premier ministre Charest faire la promotion de ce produit cancérogène à l'étranger, d'entendre des ministres répéter mot pour mot l'argumentaire de l'Institut du chrysotile, de voir le ministre Bolduc s'ériger seul contre à peu près tous ses confrères médecins.

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Que ce soit l'Association médicale québécoise, l'Association médicale canadienne ou l'Association canadienne de santé publique, toutes se rangent derrière la Société canadienne du cancer, qui exhorte Québec à mettre une croix sur cette industrie, et donc à la garantie de prêt de 58 millions de dollars demandée par la mine Jeffrey.

Il en va de la crédibilité du gouvernement et de sa cohérence. Comment lever le nez sur les sables bitumineux et les centrales au charbon, et appuyer du même souffle, dans sa propre cour, une industrie tout aussi dangereuse? Surtout quand celle-ci joue un rôle aussi mineur dans l'économie.

Il est ici question d'un domaine qui n'emploie directement pas plus de 500 personnes et qui survit de la seule pauvreté des pays importateurs, qui n'ont ni la réglementation ni les programmes de santé et sécurité nécessaires pour protéger leurs travailleurs.

On tente de se disculper avec quelques brochures et programmes de formation, mais cela n'a rien de sérieux. Pour «assurer la sécurité des Canadiens et des personnes qui utilisent ce produit», le ministre conservateur Gary Goodyear leur enjoint de «lire les instructions» !

On parle tout de même d'une substance «notoirement cancérogène», première cause de mortalité des travailleurs au Québec, principal responsable des cancers liés au travail dans bien des pays occidentaux.

En guise de réponse, le lobby de l'amiante soutient que les opposants à ce produit toxique sont «manipulés» par l'organisme Ban asbestos. Faut-il en conclure que la quarantaine de pays qui interdisent l'amiante sont aussi manipulés? L'Institut national de santé publique du Québec? L'Organisation internationale du travail? Le Centre international de recherche sur le cancer?

Cessons de jouer à l'autruche. Le seul geste responsable est l'élimination progressive de l'exportation de l'amiante et la mise sur pied d'un programme de transition pour les travailleurs de l'industrie.

Le fragile édifice n'attend que ce coup fatal pour s'écrouler.

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