Je me demandais pourquoi les écureuils de la montagne se jettent en si grand nombre sous les roues des voitures. On en voit aplatis un peu partout ces jours-ci.

Ils sont déprimés, mesdames et messieurs, ils n'en peuvent plus. Imaginez-vous qu'on va construire des condos et rénover le séminaire de philosophie des sulpiciens pour le faire habiter.

 

Et pour ce faire, ce vaste terrain privé bordé par le chemin de la Côte-des-Neiges sera amputé de 66 arbres, dont 33 malades.

Certes, il en reste environ 2500 et on en plantera 350. Mais quand même. Ça fait de la peine aux écureuils. Ça fait de la peine aux Amis de la montagne et à plein de gens aussi.

Leur argument tient essentiellement dans ce mot d'ordre creux comme un arbre mort: ce qui est vert doit rester vert!

Mais si ce qui est vert est sur un terrain privé, séparé du parc du Mont-Royal par plusieurs rues et édifices, et que le propriétaire n'est plus intéressé ou n'a plus les moyens d'y entretenir les immeubles, que doit-on faire?

Le terrain et les immeubles appartiennent aux sulpiciens, une communauté qui a enseigné à des générations de collégiens. Depuis plus de 30 ans, les sulpiciens n'ont plus d'activité dans l'édifice.

Pendant des années, et jusqu'à l'année 2006-2007, le collège Marianopolis y était logé. Il n'y a maintenant plus rien dans l'immeuble principal. Les sulpiciens louent à des écoles leur piscine et des terrains de tennis. Et doivent entretenir l'édifice, plus que centenaire.

Quand ils ont décidé de vendre, les sulpiciens ont offert le terrain à des institutions. Hôpitaux, résidences universitaires, etc. Personne n'en a voulu. Trop compliqué et trop coûteux de tout remettre à niveau.

L'immeuble, sans être moche, n'est pas un bijou architectural, soit dit en passant.

Les sulpiciens ont donc lancé un appel d'offres. Ils en ont reçu 13. Elles allaient jusqu'à 65 millions et comprenaient, dans certains cas, la construction de plus de 600 unités d'habitation.

Ils ont choisi une offre de 47 millions de Développement Cato, qui vise 325 unités d'habitation. Cato a quelques belles réalisations à son actif, au fait, dans le domaine de la remise en valeur.

Aucune construction ne dépassera l'immeuble principal, de sept étages à plafonds hauts, sauf un bloc de neuf étages situé à l'est du terrain, près de Côte-des-Neiges: il est plus haut de trois mètres. Tout ceci, de toute manière, est bien en bas des appartements de Trafalgar, en haut de la côte. Aucun touriste, citoyen ou écureuil ne perdra sa vue sur la montagne. Tous les parkings seront souterrains.

À l'heure actuelle, les bâtiments occupent 9% de tout cet immense terrain. Ils occuperont 15% du terrain: on sacrifiera un terrain de soccer et des terrains de tennis.

Le parc sera encore accessible au public, le bois aussi. Le promoteur cède une servitude perpétuelle au profit de la Ville de Montréal pour conserver l'accès aux citoyens. Les accès seront entretenus aux frais du propriétaire. Le trafic, comparé au temps où 1500 élèves fréquentaient l'endroit, sera bien moindre. On plantera des espèces indigènes, des arbres fruitiers, etc.

Je vous rappelle qu'on n'est pas dans le parc du Mont-Royal, mais dans sa bordure. Nous sommes ici entourés d'immeubles.

On peut chipoter à l'infini sur le style architectural proposé et l'opportunité de limiter le nombre d'étages du seul bloc qui dépasse l'édifice principal.

Mais admettons au moins ceci: les sulpiciens ont choisi un promoteur qui a déjà quelques succès à son actif avec un projet tout à fait décent, qui respecte les principes du développement durable. Dans la mesure où l'on accepte le mot développement.

Car autrement, ce qui est vert peut rester vert, oui, sans doute. Mais aux frais de qui? La Ville, bien entendu, ou le gouvernement du Québec. On devrait ainsi interdire toute construction, même intelligente, tout transformer en parc, et faire augmenter les comptes de taxe conséquemment, bien entendu.

Car évidemment, il faudra exproprier les sulpiciens si vous ne voulez sous aucun prétexte qu'il se passe quoi que ce soit.

Plus petit? Oui, encore une fois, on peut décider qu'il ne s'y construira qu'une maisonnette. Mais à 40 ou 50 millions du terrain, ça risque de faire cher de taxes.

Donc il faut un projet suffisamment dense pour être rentable. Et cette rentabilité permettra précisément de financer la conservation - privée - du terrain.

J'ajouterai que plus de citoyens à flanc de montagne, cela fait plus de gens directement concernés par sa conservation. Et puis de l'argent dans les coffres de la Ville.

Il y a comme un petit délire dogmatique vert dans les airs, qui n'aidera ni la ville, ni la montagne, ni les écureuils.

Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca