Je ne comprends pas Line Beauchamp. La ministre de l'Éducation refuse depuis le début de cette grève - désolé de ne pas répéter le mot officiel décrété par l'État, «boycott» - de parler aux représentants étudiants.

La posture du gouvernement devant les étudiants serait impensable devant n'importe quel groupe organisé dans la société. Des lobbies à des entreprises en passant par les syndicats, le gouvernement «parle au monde», normalement.

Quand une grande entreprise québécoise veut se faire entendre à propos d'un projet de loi, parce qu'un amendement ne lui plaît pas, par exemple, elle réussit à obtenir des rendez-vous avec des ministres. Les registres du Commissaire au lobbyisme sont là pour en témoigner.

Quand ça chauffe, en fin de négociation dans le secteur public, les chefs de centrales syndicales ne sont pas boudés par les bonzes du gouvernement. On ne leur dit pas: «Capitulez et ensuite, on va vous parler.»

Or, c'est exactement ce que fait Line Beauchamp, qui représente le gouvernement dans ce bras de fer avec les étudiants: elle exige qu'ils abandonnent complètement une position avant même de daigner s'asseoir avec eux.

«Mme Beauchamp l'a dit: si c'est pour parler du gel des frais, pas question de s'asseoir. Mais pour parler de l'accessibilité aux études universitaires, il y a toujours place pour la discussion. Sauf que le gouvernement est ferme sur la hausse des droits de scolarité», m'a expliqué Hélène Sauvageau, son attachée de presse.

Dans une négo, il y a ce qu'on dit en public, ce qu'on dit dans les canaux officieux et ce qu'on se dit dans le blanc des yeux, derrière des portes closes. C'est le cas de toutes les négociations qui sont le moindrement médiatisées.

Peut-être que dans le blanc des yeux, derrière des portes closes, les représentants étudiants vont rester sur leurs positions. Peut-être qu'ils vont exiger le gel et même la gratuité.

Si c'est le cas, Mme Beauchamp pourra au moins dire qu'elle s'est assise avec eux. Elle pourra au moins prétendre avoir tenté de négocier.

Présentement, ce n'est pas le cas. Présentement, Line Beauchamp n'a même pas une matinée à perdre avec les représentants des étudiants dans la salle de conférence d'un hôtel de Montréal. Elle doit être très occupée!

Ça participe de ce paternalisme qui suinte du gouvernement depuis le début du bras de fer avec les étudiants.

Le paternalisme, c'est aussi marteler que les grévistes ne représentent que 35% des étudiants, comme le gouvernement le fait depuis quelque temps. C'est une tactique pour leur enlever toute légitimité.

Selon ce raisonnement, soulignons qu'au dernier scrutin, 42% des Québécois ont voté pour le Parti libéral. Plus de Québécois ont voté pour le Parti québécois, l'Action démocratique et Québec solidaire (55%) que pour le PLQ.

Ayoye... Est-ce à dire que... que Line Beauchamp fait partie d'un gouvernement illégitime?

C'est une question qu'on ne pose pas. Parce que le paternalisme, on réserve ça aux petits, aux sans-grades.

Le paternalisme, c'est aussi dire qu'il-faut-que-chacun-paie-sa-juste-part. Formidable, de payer sa juste part.

Pourquoi juste les étudiants, jusqu'à maintenant?

Pourquoi, pour les CPE à 7$ par jour, bien moins chers qu'en Ontario ou en Alberta, on ne parle pas de faire payer-sa-juste-part aux parent xqui en bénéficient? Pourquoi, pour nos tarifs d'hydroélectricité, le gouvernement Charest est-il moins viril dans ses comparaisons avec les tarifs payés ailleurs au Canada, qui sont souvent plus élevés?

Je l'ai dit après la manifestation du 22 mars: si Québec continue à les ignorer alors qu'ils manifestent somme toute pacifiquement, il va y avoir des débordements dans les rangs des étudiants. C'est sûr. On arrive à ce point d'ébullition. Personne ne souhaite que des pierres soient lancées. Mais dans la rue, c'est sûr, si le silence de Québec perdure, certains finiront par penser que lancer des pierres est la seule façon de se faire entendre.