C'est un grand mystère dans la petite caste médiatico-artistique québécoise, ces jours-ci. Qui, mais qui se cache derrière le blogue La Clique du Plateau?

Depuis un an, La Clique offre des billets décoiffants sur tout ce qui grouille dans, justement, la petite caste médiatico-artistique québécoise.

 

Trempant sa plume dans un baril de vitriol, de mauvaise foi et de sarcasme, La Clique parle des animateurs, actrices, chanteuses et journalistes, en abusant des points d'exclamation ironiques...

C'est parfois bête. Souvent méchant.

Benoît Gagnon pose à la une du Lundi avec sa famille?

La Clique le raille.

L'animateur Sébastien Diaz et la comédienne Bianca Gervais révèlent leur amour à la une de 7 Jours?

La Clique les ridiculise avec la subtilité d'un char d'assaut.

Bref, La Clique pourrait n'être qu'un blogue, parmi mille, qui bitche les veudettes. Et bitcher, comme mille autres blogues, sans véritable auditoire, en toute confidentialité.

Mais La Clique est un succès. La Clique est lue. La Clique est citée.

Signe de sa renommée: la caste médiatico-artistique lit le blogue de La Clique avec attention. Mon amie Marie-Soleil Michon, de La fosse aux lionnes, m'a résumé la fascination en ces mots: «Je le lis une fois par jour. Le pire, c'est que souvent, comme lectrice, je suis d'accord avec lui. Mais bon, c'est vrai que je n'ai jamais été sa cible. La Clique, c'est une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.»

Marie-Soleil, comme d'autres, se livre à de fiévreuses supputations sur l'identité véritable de La Clique. On le trouve bien branché. On croit que c'est un ancien blogueur de Canoë. Ou un journaliste de Voir. Ou un recherchiste de télé.

«Mais c'est sûr que c'est quelqu'un du milieu», résume ma lionne préférée.

T'es dans le champ, Marie-Soleil.

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J'ai soupé avec le gars de La Clique du Plateau, lundi soir. J'ai promis de ne pas révéler son identité. C'était la clé pour parler de lui. Je sais qui il est. Où il habite. Son numéro de téléphone, même...

Et c'est... personne.

«Je suis Jean, Jacques, Paul, ironise-t-il. Je suis n'importe qui. J'écris seul mais mes proches, qui savent que je blogue, me suggèrent tout le temps des sujets...»

Aucun lien avec les médias ou le showbiz. Un gars ben ordinaire, 30 ans, qui habite loin de Montréal, qui travaille à temps partiel. Ce qui lui laisse beaucoup de temps avec ses deux jeunes enfants. Et avec La Clique...

Il a toujours eu des choses à dire. Mille fois, il a levé les yeux au ciel en regardant la télé, en lisant les journaux. «Il y a trop d'affaires qui m'énervent. Un jour, j'ai décidé de commencer un blogue. Depuis, j'y pense toujours...»

«Je ne hais personne. Mais je n'aime pas que tout le monde aime la même affaire. Dans les médias, tout le monde aime Louis-José Houde. On dirait qu'on ne peut pas ne pas aimer Louis-José Houde! Moi, je ne le trouve pas bon. Il fait la même chose depuis 10 ans. Et sais-tu quoi? C'est pas tout le monde qui l'aime! Mais personne ne le dit.»

Le ton est à des années-lumière d'Écho Vedettes. En ce sens, la plume du gars de La Clique est un bazooka qui pulvérise l'ordre établi.

Pas question, cependant, de tomber dans la vie personnelle. Pas de potins sur qui couche avec qui. Pas de photos dérobées. «Sur la terrasse, l'autre jour, un humoriste faisait le pitre, il parlait fort, dérangeait tout le monde. J'ai pensé faire un billet sur mon blogue pour le planter. Puis, j'ai changé d'idée. Je me suis dit que moi aussi, je pourrais faire le cave en public, un jour. Je m'en tiens donc à ce que tout le monde a vu.»

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Le hic, c'est que le gars de La Clique blogue de façon anonyme.

Il ne s'affiche pas. Réfugié derrière son masque de clown. Facile, dans ces circonstances, de lancer ses grenades...

- Pourquoi tu t'affiches pas? Ça n'enlèverait rien à ton succès, au contraire...

- Je ne suis personne. Et puis, je veux pas me faire reconnaître dans la rue...

Je l'ai picossé sur son douillet anonymat. C'est cet anonymat qui irrite nombre de mes collègues. Moi aussi, mais moins qu'eux. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que je sais qu'il se dit des saloperies 10 fois pires ailleurs sur le web...

Mais j'espère que le gars avec qui j'ai soupé lundi soir va avoir, un jour, les couilles de s'afficher. De toute façon, Clique, tu es Paul, tu es Jean, tu es Jacques, tu es tout le monde et tu n'es personne.

Ça changerait quoi si tu nous disais qui tu es? Pas obligé de mettre ta photo et ton adresse, là. Juste ton nom.

En plus, t'as un nom commun à l'os, c'est pas comme si Patricia Paquin pouvait te reconnaître au resto!

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Le succès de La Clique est une fable pour notre époque. Un révélateur du XXIe siècle. C'est ce qui est terriblement intéressant dans son aventure.

Jadis, quand Jos Bleau avait quelque chose à dire sur la conduite des affaires du monde, il le disait à sa femme, à ses amis, à son chien et à ses chums à la taverne. Point.

Désormais, il lance un blogue. Et s'il adopte un ton original, s'il trouve des sujets décapants, s'il touche une corde sensible, il peut avoir un impact hors de son cercle immédiat.

C'est l'histoire d'un quidam sur mille, c'est vrai. Mais c'est un quidam de plus qu'il y a 10 ans.

Et si vous demandez au gars de La Clique qui il est pour analyser, critiquer, livrer ainsi son opinion en pâture, sa réponse est lapidaire: «Il y a une nouvelle émission à Radio-Canada, Six dans la cité. Une des critiques, c'est Geneviève Guérard. Une ancienne danseuse de ballet. Et elle va critiquer des films! C'est une danseuse: je m'en fiche, de son opinion sur un film. Elle est qui, elle, pour critiquer des films?»