Une hausse salée des droits de scolarité. C'est ce que le ministre des Finances, Raymond Bachand, a annoncé, hier, dans son budget.

La facture va augmenter de 325$ par année pendant 5 ans. Les droits vont donc passer de 2168$ à 3793$, un bond prodigieux de 75%.

Contrairement au mythe savamment entretenu par ceux qui rêvent de faire payer davantage les étudiants, les droits de scolarité ne sont pas gelés - ou presque - depuis 50 ans. C'est vrai qu'il y a eu une longue période de gel, durant laquelle les droits ont été plafonnés à 550$ par année. Mais au début des années 90, le gouvernement a fait flamber la facture en décrétant des hausses brutales. En 1989, un étudiant payait 550$; en 1991, 1337$; en 1994, 1668$. Faites le calcul: 200% d'augmentation.

En 2007, nouveau dégel. Québec a décidé d'augmenter les droits de 100$ par année jusqu'en 2012.

On est loin du gel.

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Les étudiants ne sont pas des «enfants gâtés» qui vont tous un jour rouler sur l'or. Les médecins, les dentistes, les pharmaciens, oui. Mais les philosophes, les musiciens et les spécialistes en littérature médiévale? Ils ne gagneront pas des fortunes.

Le portrait de l'étudiant type devrait faire réfléchir Raymond Bachand. Près de 40% ne reçoivent aucune contribution de leurs parents; 81% ont un emploi en plus d'étudier à temps plein; 50% travaillent plus de 15 heures par semaine; environ la moitié gagne moins de 12 000$ par année; les deux tiers n'habitent pas chez leurs parents*.

Chaque hausse brutale leur rentre dedans. Les étudiants ne sont pas des fils à papa qui vont à l'université de génération en génération. Près de 45% d'entre eux sont les premiers à y mettre les pieds. Les acquis sont fragiles, il ne faut pas tout bousiller.

La Nouvelle-Écosse a d'ailleurs fait amende honorable. Elle a haussé ses droits de scolarité sans aucune retenue. Au début des années 2000, c'est elle qui avait la facture la plus corsée au Canada. En 2003, le gouvernement a promis de la diminuer pour rejoindre la moyenne nationale. Depuis, il baisse ou gèle les droits.

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Et les universités? Elles ont besoin d'argent pour garnir leurs laboratoires et leurs bibliothèques et pour diminuer le nombre de chargés de cours. À les écouter, on a l'impression qu'elles vivent dans la dèche et que la fin du monde est proche. C'est le grand mur des Lamentations.

Pourtant, les chiffres contredisent ce tableau peint en noir foncé par les recteurs. La recherche? Le Québec s'en tire honorablement. Près de 28% des revenus des universités proviennent de la recherche subventionnée, comparativement à 21,5% dans les autres provinces. Le nombre d'étudiants inscrits en maîtrise (11,4%) et au doctorat (8,5%) est supérieur à la moyenne canadienne (8,5% et 4%). C'est un signe indéniable de vitalité. Le Québec n'est pas en queue de peloton.

Les universités font-elles un effort pour faire du ménage dans leurs finances? Pas vraiment. Il y a eu les folies immobilières. Elles ont investi des fortunes dans le béton (le budget consacré aux immobilisations a doublé de 1997 à 2007, passant de 333 millions à 691 millions). L'UQAM a failli y perdre sa chemise. Des recteurs se sont succédé à Concordia et ils ont empoché de scandaleuses indemnités de départ, sans oublier l'Université Laval qui a accordé une augmentation de salaire de 100 000$ à son grand patron.

Avant de fouiller davantage dans la poche de leurs étudiants, les universités devraient faire leur mea-culpa.

Et le gouvernement? Il passe son temps à se plaindre qu'il n'a pas d'argent. S'il est aussi pauvre qu'il le dit, pourquoi flambe-t-il 200 millions dans la construction d'un nouveau Colisée à Québec? De l'argent jeté par les fenêtres pour satisfaire l'ego d'un maire en mal de publicité et des équipes de hockey qui versent des millions à leurs joueurs.

Les universités ne sont pas les seules à faire des folies.

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Parlons de McGill, maintenant. La digne université a décidé de forcer la main du gouvernement en imposant des droits de scolarité de 30 000$ pour son programme de MBA. La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, a mis du temps à réagir. Cette semaine, elle lui a imposé une pénalité de 2 millions de dollars.

L'Université était outrée. Pourtant, les règles sont claires: seul le gouvernement a le droit de fixer les droits de scolarité, comme partout au Canada. L'Ontario a déréglementé certains programmes, mais il fait figure d'exception.

McGill m'a expliqué qu'elle négocie avec le gouvernement, ce qui, prétend-elle, lui donne le droit d'exiger dès maintenant 30 000$ pour son MBA. Absurde. C'est comme si je me faisais arrêter par la police parce que je roule à 70km/h dans une zone de 50 et que je refusais de payer l'amende sous prétexte que je discute avec les autorités pour qu'elles augmentent la limite de vitesse.

Au Québec, les universités ne peuvent pas faire à leur tête et exiger des droits de scolarité en fonction de la popularité de leur programme ou du prestige de leur institution. Si McGill n'est pas contente, qu'elle déménage en Ontario.

* Chiffres tirés d'une étude de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), 2009.