On y trouve quantité d'animateurs-vedettes et d'émissions bien réalisées, sur des sujets aussi variés que la santé, la culture, l'automobile, les technologies et l'environnement, n'ayant rien à envier à celles, comparables, que diffusent les autres chaînes.

Le hic, c'est que Vox n'est pas une chaîne comme les autres. C'est une chaîne communautaire. À ce titre, elle ne doit pas diffuser d'émission qui fasse concurrence à une station de télévision traditionnelle ou à un service spécialisé de télévision. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le site Internet de Vox. En toutes lettres.Il faudrait que l'on m'explique comment Le guide de l'auto ne fait pas concurrence à RPM (V), Vert tendre à La vie en vert (Télé-Québec), Le lab à La revanche des Nerdz (Z), Le confident à Michel Jasmin (ex-TVA) et Ici et là à Petites personnes dans un monde de grands (Canal Vie).

La semaine dernière se sont conclues les audiences du CRTC sur la révision du cadre politique de la télévision communautaire. Quebecor Média (propriétaire de Vidéotron et de sa chaîne communautaire) y a fait valoir que Vox respectait à Montréal les minima de 60 % de «programmation communautaire locale» et de 30 % d'«émissions d'accès» imposés depuis 2002 par le CRTC.

Les «émissions d'accès» sont des émissions locales, créées et produites par les membres de la communauté. La devise de Vox a beau être «la télé citoyenne», il faut être myope pour ne pas voir que son antenne montréalaise a opéré un formidable détournement de sens du concept.

Des «citoyens ordinaires» devant et derrière la caméra de Vox? La quasi totalité des émissions sont produites par des employés de Vidéotron. Et parmi les Gilles Proulx, Louise Deschâtelets, Marie-Claude Savard, Philippe Fehmiu, Sophie Durocher, Maxim Martin et autres Daniel Melançon, on a peine à retrouver ce «taux élevé de participation des citoyens» qu'une chaîne communautaire doit obligatoirement susciter, selon le CRTC.

Interrogés à ce sujet par le CRTC il y a 15 jours, les dirigeants de Vox ont fait valoir que Louise Deschâtelets et Gilles Proulx, malgré leurs années de métier, étaient d'abord des «citoyens» (laissant entendre qu'ils animaient des «émissions d'accès» au sens de la réglementation). Une façon comme une autre de dire n'importe quoi.

«S'ils sont rémunérés, il est difficile de justifier qu'ils le font à titre de citoyens», m'expliquait hier Gérald Gauthier, porte-parole de la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec, qui a pris part aux audiences.

En 2002, le CRTC s'est inquiété du fait que trop de publicité sur les canaux communautaires se faisait au profit des câblodistributeurs et que les chaînes communautaires pourraient être perçues comme des véhicules promotionnels et non comme un service public. Le Conseil a décidé de limiter à deux minutes par heure le temps consacré au matériel d'autopublicité sur un canal communautaire.

Cela n'a pas empêché Vox de diffuser Star Académie, dans les coulisses, une autopromotion de l'émission-phare de TVA (appartenant au même groupe médiatique), ainsi que les émissions La relève Juste pour rire et En route vers mon premier gala Juste pour rire, où s'affiche sur scène de manière plus qu'évidente le logo de Vidéotron. Sans parler d'Ici et là, un talk-show faisant la promotion de l'hebdomadaire Ici, désormais intégré au quotidien 24 h, une autre propriété de Quebecor Media. Est-ce ce que l'on appelle de la convergence communautaire?

Toujours selon le CRTC, «le facteur qui distingue le plus le contenu des émissions communautaires de celui des services de télévision conventionnelle est la possibilité de transformer le téléspectateur passif en un participant actif.» Or, avec la professionnalisation de la télé communautaire, devenue partout au Canada un ersatz de la télévision commerciale, le citoyen n'a plus la possibilité d'être un participant actif.

Jason Gondziola, producteur de télévision communautaire impliqué dans les quartiers défavorisés de Montréal, m'expliquait hier comment il tente en vain depuis quatre ans d'obtenir du temps d'antenne à Vox pour un projet «clés en main».

«La télévision communautaire n'est plus la plateforme de libre expression citoyenne qu'elle est censée être», me disait plus tôt cette semaine Cathy Edwards, de l'organisme sans but lucratif CACTUS (Canadian Association of Community Television Users and Stations), qui s'en est plaint auprès du CRTC.

Les câblodistributeurs comme Vidéotron, Shaw et Rogers ont l'obligation d'investir au moins 2 % de leurs revenus bruts dans la télévision communautaire. Qu'ils en profitent pour travestir l'idée même de la télévision communautaire est pour le moins discutable.

Les câblodistributeurs qui exploitent les chaînes communautaires ont beau être des entreprises privées, les ondes qu'ils empruntent restent du domaine public. Leur utilisation est un privilège. La diffusion de «contenu communautaire», quant à elle, est une obligation, régie par la Loi sur la radiodiffusion, sous le regard parfois complaisant du CRTC.

Très peu de gens regardent Vox, qui obtient bon an mal an 0,1 % du marché. Raison de plus pour ne pas en détourner la mission et pour respecter la réglementation en place. La télévision communautaire a bien des rôles utiles à jouer dans notre société. Certainement pas celui d'abriter l'équipe B de TVA.