Dans son film Gran Torino, qui prend l'affiche demain, Clint Eastwood incarne un vétéran de la guerre de Corée, misanthrope et raciste, dont le quartier a été «envahi» par des familles d'immigrés asiatiques.

Son personnage rancunier de Walt Kowalski traite ouvertement ses voisins vietnamiens de chinks, gooks et japs (traduction libre: chinetoques, niaquais, japonouilles). Imaginez Pierre Falardeau se retrouvant, du jour au lendemain, entouré de voisins ontariens.

 

Gran Torino, qui aurait pu s'intituler «Papi découvre les gangs de rue», est un film raté. Il ne viendrait pourtant à personne l'idée de traiter son réalisateur, producteur et interprète principal de raciste.

L'an dernier à pareille date, personne ne s'est formalisé de ce que Rock et Belles Oreilles, dans un sketch d'anthologie du Bye Bye (Hérouxtyville), traite un couple musulman de «races», de «Tamouls» et de terroristes.

J'ai ri à m'en étouffer, hier encore, en écoutant le personnage de Bruno Landry dire, en fin de sketch: «C'est pas un étrange qui va venir changer nos habitudes à moi, ma soeur... pis nos enfants!»

Tout est dans la manière. Celle de Rock et Belles Oreilles, aussi caustique qu'efficace, fait fort dans l'autodérision et rappelle qu'à Hérouxville, où «un sapin a le droit de montrer ses boules», comme dans le reste du Québec, les intolérants méritent d'être ridiculisés.

RBO aurait parlé de «chinetoques» ou de «nègres» que le résultat aurait été le même. Personne pour monter au créneau, pour se plaindre officiellement au CRTC, pour porter des accusations de xénophobie.

Or, depuis une semaine, on accuse tous azimuts les auteurs du plus récent Bye Bye d'être racistes. Entre autres parce qu'ils ont utilisé le mot «nègre» dans une parodie d'entrevue de Denis Lévesque avec Barack Obama et que Jean-François Mercier, dans son personnage de «gros cave», a déclaré à propos d'Obama que «noir sur blanc, il va être plus facile à tirer».

M'est avis qu'on rate la cible. Louis Morissette, Jean-François Mercier, François Avard et les autres scénaristes du Bye Bye ne sont pas plus racistes que les gars de RBO ou que Clint Eastwood. François Avard est même devenu, presque à l'excès, une pasionaria de la cause africaine.

S'ils ne sont pas racistes, Mercier et Avard, qui trouvent un potentiel comique dans la rencontre fortuite d'un furet et d'un arrière-train (Les Bougon), manquent parfois souverainement, comme Louis Morissette (V.I.P.), de goût.

La preuve en a été faite une fois de trop au Bye Bye avec ces gags répétés sur Nathalie Simard. Le père de l'animatrice a agressé une fillette; le scripteur ne devrait pas ridiculiser la victime. Surtout s'il est le gendre de l'agresseur. On pourrait croire qu'il tente de discréditer la victime pour minimiser l'acte. Il me semble que ce n'est pas très «compliqué à comprendre». Pour un auteur comme pour un diffuseur.

On ne peut accuser Morissette, Mercier et Avard de racisme. On peut en revanche les accuser de ne pas avoir trouvé manière plus brillante de souligner l'élection historique de Barack Obama que de faire passer Denis Lévesque (?) pour un raciste, en lui mettant dans la bouche une blague sur les «bizounes» des Noirs.

Pourquoi donc? Parce que Lévesque a commis la faute grave de gâcher une entrevue avec l'idole de Louis Morissette, Paul McCartney?

Tout est dans la manière, disais-je. Le Bye Bye de Véro (pourtant excellente dans ses imitations) était du niveau humoristique de la joke de mononcle éculée. Anecdotique, vulgaire, paroissial, remâché.

Il devrait y avoir un moratoire sur les blagues de sodomie dans les prisons (sketch sur Vincent Lacroix) et sur les apparitions télévisuelles de Michel Louvain. L'un des rares gags réussis, sur les frères Rémillard devant le CRTC, a été fait tel quel, à quelques phrases près, à l'émission Prenez garde aux chiens, il y a trois mois.

Pourquoi parle-t-on encore du Bye Bye? Parce que plus de 4 millions de personnes l'ont vu, et que plusieurs d'entre elles se demandent une semaine plus tard à quel degré (le premier, le deuxième, le degré zéro?) il fallait en interpréter l'humour.

Voilà le noeud du problème. Et la raison de ces accusations de racisme contre Jean-François Mercier, davantage connu pour son rôle dans Virginie que pour son humour irrévérencieux. Si le «gros cave» n'était pas sérieux en parlant d'Obama, l'était-il davantage à propos des Canadiens anglais «consanguins» ?

Dans la caricature, on grossit les traits. Pas seulement l'épaisseur du gag. Il y a plus de lignes comiques dans un seul épisode de C.A. que dans tout ce Bye Bye qui, deux élections et un gouvernement en péril plus tard, n'a pratiquement pas trouvé le moyen de parler de politique. Ce qui se passe ailleurs dans le monde? N'y pensons même pas.

Ce n'est pas, comme le prétend Radio-Canada, parce que le Bye Bye est allé «trop loin» dans l'audace qu'il a tant été critiqué. C'est précisément parce qu'il a manqué d'audace, d'originalité et de subtilité. Et surtout, parce qu'il a manqué à son devoir d'être drôle. C'est pourtant tout ce qu'on lui demandait.