Quoi? Encore le voile? Quand en aura-t-on terminé avec ce sujet qu'on croyait épuisé depuis la commission Bouchard-Taylor?

Pour faire court, je dirais que la Fédération des femmes du Québec a raison, même si je n'ignore pas qu'elle a été infiltrée par quelques apôtres islamistes et qu'à cause de ses dissensions internes, sa position est tombée comme un cheveu sur la soupe, des mois après la fin du débat public.

Mieux vaut quand même être du côté de la tolérance.

Moi non plus je n'aime pas le voile. Moi aussi je comprends l'émoi des musulmanes qui ont lutté contre l'islam radical dans leur propre pays et qui se sentent trahies par le principe de tolérance, mais le Québec n'est pas l'Algérie. La solidarité qu'on leur doit n'exige pas que l'on transplante leurs combats ici même, cela serait renier la culture et la réalité du Québec, qui sont celles d'une démocratie libérale.

 

Bien sûr qu'il serait intolérable d'être accueilli, dans les bureaux de l'administration publique, par des personnes recouvertes de la burka afghane ou du niqab qui ne laisse voir que les yeux. Mais c'est un non-problème: combien de femmes en burka ont postulé un emploi dans la fonction publique du Québec?

Ce dont on parle ici est le hidjab, un foulard qui ne recouvre que les cheveux et laisse le visage entièrement découvert. Et l'on parle d'une infime minorité, l'immense majorité des musulmanes québécoises ne portant pas le foulard. Or, les chartes des droits ne sont pas faites pour protéger la majorité féminine, mais pour protéger les minorités.

Qu'est-ce qui peut bien pousser l'ADQ et le PQ à réclamer l'interdiction du foulard islamique dans les services publics? La démagogie, bien sûr. La ministre Christine St-Pierre a parfaitement raison de leur tenir tête et de leur rappeler en douce que si l'on bannit le hidjab, il faudra aussi interdire partout la kippa juive et les pendentifs en forme de croix. Même la France, grande championne de la laïcité, ne va pas aussi loin! La loi française n'interdit les signes religieux ostentatoires que dans les écoles et les lycées publics; dans la fonction publique, le port du voile est permis sauf dans certains cas tenant à la sécurité ou au contact avec la clientèle.

Si le PQ et l'ADQ avaient gain de cause, le Québec deviendrait la seule démocratie au monde à se donner des politiques aussi répressives... pendant le temps qu'il faudrait pour que la cause remonte jusqu'à la Cour suprême, laquelle donnerait fort probablement raison aux contestataires au nom de la liberté de religion.

La commission Bouchard-Taylor avait suggéré une solution intelligente et modérée: l'interdiction des signes religieux ostentatoires pour un nombre restreint de fonctions - celles, précisément, qui sont tenues à la neutralité parce qu'elles incarnent l'autorité de l'État: juges, procureurs de la Couronne, policiers, gardiens de prison... Cela suffit, en effet. Et si l'on veut de l'action, c'est sur ce point-là que le gouvernement devrait légiférer.

Les femmes immigrées ont déjà du mal à trouver du travail au Québec. Exclure du service public celles qui portent un foulard les marginaliserait encore davantage, et cela aurait inévitablement un effet d'entraînement dans l'entreprise privée. Pour celles qui sont forcées de se voiler par leur mari ou leur famille, la possibilité de gagner leur vie constitue la seule porte de sortie, la seule chance d'échapper à l'oppression. Quant à celles qui ont décidé librement de se voiler, c'est un choix qu'une société tolérante doit respecter.

Calmons-nous. Dans une société remplie de gens défigurés par des tatouages et d'adolescents rongés par des piercings jusque sur la langue, la vue d'une femme en hijab, franchement, ce n'est pas la fin du monde!