Est-il souhaitable que tout citoyen possède «le droit que sa religion ne soit pas dénigrée dans les médias ou dans les maisons d'enseignement»? Ainsi que le «devoir de (...) s'assurer qu'aucune religion n'est dénigrée dans les médias ou dans les maisons d'enseignement»?

Ce nouveau droit à l'immunité et ce nouveau devoir de police constituent l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme, telle que la conçoivent des théologiens notamment rattachés à l'Université McGill et à l'Université de Montréal. Ce projet d'amendement circule depuis une décennie. Et il a été à nouveau étudié lors de la Conférence mondiale des religions du monde tenue dans la métropole, mercredi dernier...

En plein XXIe siècle, sommes-nous en train de rêver?

Pas du tout. Des intellectuels occidentaux dont la carrière est entièrement construite sur le socle de la liberté d'expression réclament bel et bien l'amputation de cette liberté même. Ils prennent de cette façon le relais de l'Organisation de la coopération islamique (57 pays membres, dont l'Arabie saoudite, le Pakistan et l'Iran) qui, en mars dernier, a renoncé à réclamer à l'ONU ce qu'il est convenu d'appeler une «loi sur le blasphème». Selon Reuters, l'OCI a alors laissé entendre qu'elle se satisferait de dispositions protégeant les croyants, sur le modèle de celles relatives aux droits universels.

La raison revient à un endroit, mais en déserte un autre.

Au fait, pourquoi les institutions religieuses seraient-elles exemptées de l'obligation de respecter le droit à l'expression, alors qu'aucune autre institution - politique, culturelle, sociale, scientifique - ne l'est?

Pourquoi un tel privilège?

Et il existe une question plus pertinente encore, évidemment ignorée lors de cette sorte de «festi-dieux» de la semaine dernière, qui mettait en vedette Tariq Ramadan et le dalaï-lama. La question est celle-ci: ne serait-il pas plus opportun que l'ONU mette l'être humain et ses droits fondamentaux à l'abri des religions?

Car, en cette matière, il n'y a pas que les sanglantes tragédies - pour ne pas s'étendre à l'infini, ne relevons que celle des 993 Pakistanais exécutés pour avoir blasphémé entre 1986 et 2010...

Il y a aussi l'érosion des droits - ou l'autocensure - que, depuis 10 ans, le retour en force de la religion amène. Au Canada, aux Pays-Bas, en France, en Grande-Bretagne et sûrement ailleurs encore en Occident, des gens ont été exécutés, blessés, menacés, exilés, condamnés, poursuivis, pour avoir enfreint une loi sur le blasphème actuellement tacite, non écrite, mais avalisée dans les faits par la pression religieuse.

Faut-il aller plus loin et criminaliser pour de bon la critique de la religion? Nos théologiens sont libres de faire joujou avec cette idée, mais le reste de la société ne doit permettre sous aucun prétexte qu'elle se matérialise.

mroy@lapresse.ca