À l'issue du sommet du G8, à Deauville, des sources diplomatiques ont indiqué qu'à la demande du premier ministre canadien, Stephen Harper, la déclaration du sommet a été amputée de toute mention des frontières d'avant 1967 comme fondement d'un accord de paix entre Israël et la Palestine. En faisant ainsi obstacle à la volonté de ses homologues, M. Harper a confirmé que le Canada est désormais l'allié le plus inconditionnel d'Israël, davantage même que les États-Unis.

Le quotidien Haaretz croit savoir que le chef de gouvernement canadien a agi ainsi à la suite d'un appel téléphonique du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, la veille de son départ pour la France. Le bureau de M. Harper a nié cette information. Des médias ont aussi rapporté que le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, avait pris contact avec le ministre John Baird pour le remercier de l'attitude de M. Harper pendant le sommet.

Rappelons brièvement de quoi il s'agit: depuis la guerre des Six Jours, en juin 1967, Israël occupe les territoires arabes de Gaza et de Cisjordanie. Au fil des ans, l'État juif a laissé faire ou encouragé la colonisation de ces territoires par ses citoyens. Aujourd'hui, quelque 500 000 Israéliens habitent dans ces colonies, ce qui complique considérablement les négociations avec les Palestiniens. Dans un discours majeur il y a 10 jours, le président Barack Obama a déclaré qu'un accord de paix devra être basé sur «les frontières de 1967 avec des échanges de territoires acceptés par les deux parties». Cette position a soulevé la colère de M. Nétanyahou, selon qui les frontières d'avant la guerre des Six Jours sont indéfendables.

Les membres du G8 souhaitaient inclure la formulation de M. Obama dans la déclaration du sommet. M. Harper a refusé. La déclaration affirme néanmoins «avec force» le soutien des participants «à la conception de la paix israélo-palestinienne énoncée par le président Obama le 19 mai 2011». Nous sommes ici dans les subtilités diplomatiques. Il reste que les pays du G8 voulaient, à la suite du président américain, pousser Israël à nuancer sa politique du fait accompli dans les territoires occupés. C'est ce à quoi le chef de gouvernement canadien a mis le holà.

Il est assez curieux de voir le premier ministre conservateur, généralement si proche des politiques américaines, s'en dissocier sur cette question-là. Certes, le positionnement très pro-Israël de M. Harper est rentable politiquement. On l'a vu le 2 mai dernier, il semble que la communauté juive du pays ait délaissé le Parti libéral.

Toutefois, le premier ministre s'éloigne ainsi de l'opinion, beaucoup plus nuancée, de la majorité des Canadiens sur la situation au Proche-Orient (voir par exemple le sondage Angus Reid publié l'an dernier). De plus, il rompt avec la position traditionnelle du Canada. C'est un virage regrettable.

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