Il y a diverses façons d'interpréter les résultats de la 31e Soirée des prix Génie, qui célébrait la semaine dernière le cinéma canadien. On doit d'abord se réjouir du fait que le grand gagnant a été un film québécois, Incendies, de Denis Villeneuve, qui, avec huit prix, a devancé Barney's Version.

Il y a diverses façons d'interpréter les résultats de la 31e Soirée des prix Génie, qui célébrait la semaine dernière le cinéma canadien. On doit d'abord se réjouir du fait que le grand gagnant a été un film québécois, Incendies, de Denis Villeneuve, qui, avec huit prix, a devancé Barney's Version.

Mais on peut aussi souligner que les 18 prix pour les longs métrages ont tous été - sans exception - décernés à des films montréalais, des films qui chacun à leur façon, parlent de Montréal et proviennent de Montréal. 18 sur 18! Ce balayage montréalais absolu nous dit quelque chose sur Montréal.

Le grand gagnant des Génies, Incendies, est une adaptation de la pièce de Wajdi Mouawad, Libanais d'origine et Québécois d'adoption, écrite et créée à Montréal, dont l'action se passe entre Montréal et le Liban. Incendies a remporté les prix du meilleur film, de la meilleure réalisation, de l'interprétation féminine pour un premier rôle, ainsi que pour la meilleure adaptation, l'image, le montage, le son et le montage sonore.

Barney's Version, est une adaptation du roman de l'écrivain montréalais Mordecai Richler, dont l'action se passe en partie à Montréal. Le film a remporté trois prix d'interprétation - premier rôle masculin, rôles de soutien masculin et féminin - qui sont allés à des vedettes qui ne sont pas canadiennes. Il a remporté le Génie de la meilleure musique originale, ainsi que ceux de la direction artistique, des costumes, du maquillage, décernés à des artisans québécois.

The Trosky, réalisé par un anglo-montréalais, qui se déroule lui aussi à Montréal, a remporté deux prix: meilleure chanson originale et meilleur scénario. Enfin, le prix Claude-Jutras pour un premier film a été remis à Sortie 67, qui se passe lui aussi à Montréal, dans le monde des gangs de rues.

La première remarque que cela suggère, c'est que Montréal déclasse très nettement Toronto dans l'espèce de compétition que les deux villes peuvent mener pour le titre de métropole culturelle du Canada.

Les deux villes incarnent deux approches à la culture. L'une qui part d'en haut, avec son mécénat, ses investissements institutionnels, son réseautage continental qui mène au succès de son festival du film. Une stratégie compromise par la victoire d'un maire hostile à la culture, qui est également limitée par le fait que la culture, en quelque sorte greffée, n'est pas portée par le milieu.

Montréal, de son côté, est un lieu de production, comme le montrent tous ces Génies, mais aussi un lieu d'inspiration et un point de rencontre, qui attire les créateurs et les nourrit. C'est ce même rôle de creuset culturel qui a été mis en évidence quand Arcade Fire s'est mérité le Grammy de l'album de l'année. Sauf Régine Chassagne, ses membres sont américains ou canadiens. Mais c'est Montréal qui a été leur point de rencontre et leur catalyseur.

La seconde remarque porte sur la sorte de Montréal qui s'est distingué, aux Génies ou aux Oscars avec la présence d'Incendies. Un Montréal hybride, dont l'homogénéité ne provient pas de la similitude, mais de la synthèse des différences. Incendies, c'est la rencontre du Liban et du Montréal francophone. Barney's Version, c'est le Montréal de la communauté juive, l'une de celles qui ont donné sa personnalité à la ville. The Trotsky, c'est le Montréal d'un anglophone moderne, à la frontière des deux cultures.

Cela peut nourrir notre réflexion dans les débats sur la langue et sur l'identité. C'est ce caractère hybride qui définit Montréal, qui lui donne son énergie et sa personnalité, qui explique son pouvoir d'attraction. Pas seulement son multiculturalisme, qui ne la distingue pas des autres grandes villes occidentales, mais le fait d'être le point de rencontre de deux cultures en tension.