Ceux qui hésitaient à employer le mot scandale n'ont plus le choix. Les deux rapports sur les agissements de la SHDM sont dévastateurs. Il n'y a pas suffisamment d'espace ici pour en citer tous les extraits choquants. On y apprend entre autres que dans le dossier du projet immobilier Contrecoeur, l'ancien directeur général de la SHDM, Martial Filion, a violé plusieurs règles, attribué des contrats sans autorisation et fourni à l'entreprise Catania des études qu'il refusait aux autres soumissionnaires. Les auteurs du rapport de la firme Deloitte écrivent: «Tous les éléments ci-haut nous amènent à mettre en doute la transparence et l'intégrité du processus de sélection de l'entrepreneur». L'ancien directeur-adjoint, Jean-François Bertrand, est également blâmé ainsi qu'une filiale de la firme Dessau, responsable du plan de mise en oeuvre du projet Contrecoeur.

De son côté, le vérificateur général a examiné 20 transactions immobilières effectuées par la SHDM. Il parle d'irrégularités, d'une succession d'événements troublants. Il recommande une enquête policière. Du jamais vu.

 

Si, comme le martèle le chef de l'opposition Benoit Labonté, c'est le «scandale des commandites du municipal», alors M. Filion serait en quelque sorte le Chuck Guîté de l'histoire.

Il n'est pas le seul à blâmer. L'incurie du conseil d'administration de la SHDM laisse pantois. Il aura fallu des mois avant que deux de ses membres se réveillent et attirent l'attention du nouveau président du comité exécutif, Claude Dauphin, sur les agissements de M. Filion.

Les élus ont également leur part de responsabilité. C'est le président du comité exécutif Frank Zampino qui était responsable des sociétés paramunicipales. Où était-il lorsque le directeur général de la SHDM violait les règles? Ce manque de vigilance est d'autant plus inacceptable qu'à la même époque, dans le cadre d'une vaste opération de rationalisation des dépenses de la Ville, M. Zampino et le maire Tremblay rencontraient les journalistes pour leur expliquer comment ils allaient abolir des postes et couper des Post-its en quatre pour économiser. La SHDM, elle, a perdu 4,9 millions de dollars seulement dans le projet Contrecoeur!

Malgré ces deux rapports, il reste des questions sans réponses. Par exemple, la Ville n'avait nommé aucun responsable pour piloter le projet Contrecoeur. Le vérificateur général note toutefois que «des intervenants ont indiqué que ce dossier avait été traité en priorité et dans des délais accélérés. Cette situation a bousculé le traitement normal des dossiers.» Qui a exercé une telle pression dans l'appareil municipal? Mystère. L'enquête de la Sûreté du Québec, annoncée hier, devrait éclaircir certains points d'ombre.

Autre fait troublant: le changement de statut de la SHDM de société paramunicipale à organisme privé à but non lucratif. Cette transformation, renversée depuis, avait rendu le fonctionnement de la SHDM plus opaque et l'avait soustrait à la loi d'accès à l'information. Ce faisant, avait-on facilité les abus qui ont suivi? Le ministère des Affaires municipales, pour sa part, dit que si on lui avait demandé son avis, il se serait opposé au changement.

Le maire de Montréal dans tout ça? Il fait preuve de bon sens en donnant le feu vert à une enquête policière. Il doit toutefois reconnaître que son administration a fait preuve de laxisme dans cette affaire. Dire qu'on n'était pas au courant n'est plus une défense valable.

nathalie.collard@lapresse.ca