Tout indique qu'on se dirige vers une campagne électorale qui portera sur l'économie et sur les menaces qui pèsent sur le Québec. Pour l'instant, les deux partis d'opposition accusent le gouvernement Charest de ne rien faire, l'enjoignent à s'occuper d'économie et réclament qu'il dépose un plan pour lutter contre le ralentissement. C'est bien beau. Mais c'est quoi, au juste, un «plan» ?

Le point de départ de cette campagne économique sera sans doute l'énoncé que présentera mardi prochain la ministre des Finances, Mme Monique Jérôme-Forget, où elle fera le point sur l'état des finances publiques et de l'économie. Cette intervention devait avoir lieu hier. Si elle a été retardée, c'est sûrement, pour qu'on puisse l'enrichir et la transformer en mini-budget qui donnerait le coup d'envoi à la campagne libérale.

 

On peut déjà prévoir que péquistes et adéquistes trouveront ce plan insuffisant. Ce ne sera jamais assez. Jusqu'à ce que ces partis sortent de leur logique d'opposition et proposent eux aussi leur propre plan. On peut supposer que le Parti québécois, plus interventionniste, et plus porté au spectaculaire, voudra proposer une stratégie capable de frapper l'imagination. On entrera alors dans la bataille des plans. Mais de quel «plan» le Québec a-t-il besoin?

La première difficulté, c'est le diagnostic. Qu'est ce qui attend le Québec, une crise économique, une récession ou un simple ralentissement? Ce diagnostic déterminera le genre de solutions et la nature du plan dont le Québec aura besoin.

Le scénario le plus probable, auxquels trop de Québécois, inquiets, ne veulent pas croire, c'est que, sur une toile de fond de crise mondiale, le Québec connaisse un ralentissement qui ramènera la croissance presque à zéro à la fin de cette année et au début de la prochaine. Aucune maison de prévision importante ne prédit de récession majeure pour le Québec, même si la situation est sérieuse et préoccupante.

Mais la tentation sera grande, surtout pour l'opposition, de dramatiser la situation, comme le fait déjà Mme Marois en disant que «le feu est pris», et d'oublier qu'un politicien, même en campagne, doit donner l'heure juste tout en étant capable de rassurer et restaurer la confiance.

Le second danger, qui découle du premier, c'est la tentation du colossal. Surtout quand on regarde la campagne électorale américaine où l'on injecte littéralement des centaines de milliards pour relancer une économie au point mort. Nous n'avons pas ces moyens. Et surtout, nous n'avons pas ces besoins. La situation économique québécoise ne justifie pas ce genre d'intervention massive.

D'autant plus que le gouvernement Charest a lancé, il y a un an et demi, un programme massif d'investissements en infrastructures, 13 milliards cette année, autant l'an prochain. Bien sûr, ce programme n'avait pas été conçu pour lutter contre le ralentissement. Mais le hasard a bien fait les choses. Ces investissements jouent leur rôle, et ils sont en place à temps.

Ce dont le Québec a besoin, ce sont plutôt des mesures moins spectaculaires, beaucoup plus pointues, pour contrer les méfaits du ralentissement et de la crise financière, par exemple le resserrement du crédit qui pénalise les entreprises. Ou encore éviter la perte de compétences dans les entreprises vivant des difficultés temporaires. Et surtout, la poursuite et l'intensification de mesures pour rendre l'économie plus compétitive, par exemple la formation de la main d'oeuvre et l'augmentation de la productivité.

Au plan macroéconomique, le Québec, on le verra mardi, semble être capable d'éviter le déficit. Ce qui lui donne une marge de manoeuvre. Mais nous sommes dans une période où un gouvernement doit dépenser, pour contrer les effets du ralentissement. Ce n'est pas le temps de tenir trop serrées les courroies de la sacoche. À condition que ces dépenses soient bien ciblées et qu'elles soient de nature temporaire pour ne pas engager l'État à tout jamais.

Nous sommes cependant dans une période d'incertitude qui impose un principe de prudence. Cela exigera en quelque sorte une stratégie à deux vitesses, pour voir les choses venir et être prêts à réagir rapidement si les conditions se détériorent. Dans ce cadre, il ne faut pas ériger en dogme le refus du déficit.

Ces débats, très techniques, lasseront rapidement en campagne électorale. Ce ne sont pas les plans eux-mêmes qui seront déterminants, mais la crédibilité des partis et la confiance qu'inspirent les chefs. Cela se ramènera, en bout de ligne, à une question de leadership.