Selon les partis de l'opposition, le premier ministre, Stephen Harper, reste les bras croisés alors que le Canada sombre dans des sables mouvants économiques. «Le premier ministre Stephen Harper se voile la face au sujet de la situation économique du Canada, a déclaré hier le chef libéral Stéphane Dion. Il n'a aucun plan et persiste dans son attitude «laisser-faire, je m'en fiche».»

Pourquoi M. Harper refuse-t-il aussi obstinément d'admettre que l'heure est grave? La raison est simple: il n'y a pas de crise économique et financière au Canada.

 

Contrairement à ce qui s'est produit aux États-Unis et en Europe, aucune banque canadienne n'a dû être secourue par les pouvoirs publics. Et il n'y a absolument aucune indication que les dépôts des Canadiens sont à risque.

Le marché immobilier est sain au Canada. Si les prix des maisons se sont tassés au cours des derniers mois, cette tendance n'est en rien comparable à l'effondrement auquel on assiste aux États-Unis. De plus, on n'a pas vu ici se développer les pratiques hypothécaires imprudentes comme celles qui sont à l'origine de la crise américaine. Cela est dû, notamment, à une intervention du ministre des Finances, Jim Flaherty, qui a interdit à la SCHL d'assurer des prêts ne comportant pas une mise de fond initiale d'au moins 5% (ce n'est pas ce qu'on appelle du laisser-faire...).

Si le rythme de la création d'emplois a ralenti, il s'en est tout de même créé plus de 80 000 depuis le début de l'année. Le taux de chômage, à 6,1%, reste très bas par rapport à ce qu'on a vu lors des récessions passées. Au Québec, à 7,7%, on est à des années-lumière des 14% du début des années 90.

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Cela dit, à mesure que notre principal partenaire commercial s'embourbe dans la récession, il devient évident que le Canada n'échappera pas à la turbulence. Autrement dit, il n'y a pas encore de crise, mais il y a bel et bien risque de crise. Dans ces circonstances, que devrait faire le gouvernement fédéral?

Les partis de l'opposition proposent tous une augmentation importante des investissements publics, que ce soit sous la forme de projets d'infrastructures ou sous celle d'une aide aux industries déjà touchées par le ralentissement (forêt, automobile). Dans les faits, le gouvernement conservateur a déjà pris des mesures en ce sens. Devrait-il faire plus? Peut-être. Mais il faut garder à l'esprit deux données importantes.

Un: les ressources financières du fédéral ne sont pas inépuisables, surtout que la chute des prix des matières premières, notamment le pétrole, diminuera sensiblement les entrées de fonds venant de l'Ouest. Deux: toute action d'Ottawa aura un effet très limité sur l'économie. Si la demande pour les produits canadiens glisse aux États-Unis et si les consommateurs d'ici diminuent leurs dépenses, rien de ce que fera le gouvernement n'empêchera la récession.

M. Harper ne fait donc pas erreur lorsqu'il refuse de parler de crise économique. Il aurait toutefois dû se montrer mieux préparé à agir dans l'éventualité d'une détérioration rapide de la situation et surtout plus sensible à l'inquiétude palpable des Canadiens. Être à l'écoute des gens, les rassurer, c'est aussi ça, le leadership.