En 17 ans, on a vu Pénélope McQuade à TVA, TV5, Télé-Québec, TQS, Canal Vie, mais pas à Radio-Canada. Jamais. Son père, Winston McQuade, y ayant fait carrière, Pénélope a préféré fourbir ses armes ailleurs. Mais lundi, cette diplômée en journalisme rentre par la grande porte de la télé publique. Des premiers frissons du printemps jusqu'aux feux de la rentrée, elle animera, quatre soirs par semaine, un talk-show qui porte son nom. Et un peu, aussi, celui de son père.

En avril dernier, il y a exactement un an, la décision de Pénélope McQuade était prise. Elle ne retournerait pas animer une autre saison de Salut, bonjour! à TVA. Elle n'avait pas de plan de match pour l'avenir. Elle n'avait que cet urgent besoin de tirer un trait sur une émission qui la forçait à se lever aux aurores toutes les fins de semaine et à refouler sa nature profonde d'oiseau de nuit. L'hiver qui s'éternisait n'a pas aidé les choses. Pas plus que l'autoroute 20 sur laquelle elle a failli laisser sa peau et que, beau temps, mauvais temps, elle avait dû reprendre tous les vendredis soir depuis octobre.

La première fois qu'elle s'est retrouvée sur la 20 après son accident, c'est son père qui conduisait. La deuxième fois, son amoureux. Mais, dès la troisième fin de semaine, Pénélope était à nouveau seule au volant. Les traces de son carambolage près de la sortie Laurier Station étaient encore visibles. Elle a pris une grande respiration et a gardé les yeux grands ouverts en passant devant. Puis, au fil des semaines, l'intensité de l'émotion s'est émoussée. À la fin, il lui arrivait de passer devant le lieu de l'accident sans même s'en rendre compte. N'empêche, Pénélope McQuade était mûre pour un changement. À la fin de la saison régulière de Salut, bonjour week-end!, elle a dit au-revoir à son équipe puis, pour marquer cette rupture symbolique dans sa vie, elle est partie avec son sac à dos et son masque de plongée en Australie, à Singapour et aux îles Fidji. Elle est partie seule. Complètement seule? Je lui demande sans trop y croire. «Complètement», répond-elle.

Fragile et forte

Nous sommes toujours en avril, mais un an plus tard. Pénélope vient me retrouver dans un resto à l'ombre de la tour de Radio-Canada où, petite fille, elle a joué à la cachette sous les bureaux et dans les studios pendant que son père était au micro.

Elle s'assoit sur la banquette du resto: corps menu d'ado, tenue de rockeuse chic et toujours cette même vulnérabilité au fond de son regard de biche. Il y a quelque chose à la fois de fragile et de fort chez elle. À ce sujet, elle raconte que lorsque Louise Lantagne, patronne de la télé à Radio-Canada, l'a invitée à manger l'automne dernier, elle était convaincue que c'était pour lui offrir un poste de chroniqueuse culturelle, vu sa longue expérience dans le domaine.

«Je ne me suis jamais vue dans un rôle de leader, affirme-t-elle. Un talk-show pour une animatrice avec mon parcours, c'est immense! À un point tel qu'en sortant de cette rencontre, je me suis tournée vers mon agent en lui demandant: «Est-ce que je rêve où je viens de me faire offrir un talk-show?» Mon agent m'a répondu: «Non seulement on te l'a offert, mais t'as accepté!»»

L'animatrice de 40 ans raconte qu'elle a vécu un mois de janvier de pure panique, à se dire qu'elle avait peut-être visé trop haut, que le défi était trop énorme et qu'elle était au fond plus pépère qu'elle n'osait se l'avouer. Elle a envoyé des courriels à Guy A. Lepage et à Véronique Cloutier, leur demandant si eux aussi avaient ressenti un stress aussi fort que le sien avant d'entreprendre leurs émissions respectives. Les deux ont répondu: le stress, connais pas.

«Sur le coup, leur réponse m'a jetée à terre. Je l'ai interprétée comme la preuve que je n'étais pas faite pour jouer dans les ligues majeures. Je me suis dit qu'il y avait eu erreur sur la personne. Je me suis tapé encore quelques crises d'anxiété, puis un jour, j'en ai eu assez. J'ai décidé de lâcher prise et de profiter de ce qui m'arrivait; sinon, ça ne serait pas le fun pour personne. Je m'en porte pas mal mieux depuis.»

Se faire un prénom

Ce n'est pourtant pas la première fois que Pénélope McQuade est aux commandes d'une émission. Au cours des 10 dernières années, elle a été à la barre de Star System, de Salut, bonjour! et de Juste pour rire en direct. Mais c'est la première fois qu'on lui offre une émission dans «la maison» de son père. «Longtemps, j'ai été traumatisée à l'idée qu'on m'engage à cause de mon père, et j'ai travaillé d'arrache-pied pour me faire un prénom. Reste que mon père est un grand ami. C'est aussi un des premiers que j'ai appelés pour lui annoncer la nouvelle. Il était tellement ému qu'il s'est mis à pleurer. Quant à ma mère, elle a hurlé de joie.»

La mère de Pénélope, c'est France Rivard, qu'elle décrit comme une femme intelligente, structurée et dotée d'une grande curiosité intellectuelle. Bien qu'elle soit la fille unique du couple Rivard-McQuade, l'animatrice a grandi avec deux demi-frères d'une union précédente de son père. La famille a vécu deux ans à Toronto avant de s'établir à Mont Saint-Hilaire, où Pénélope avoue avoir fait les 400 coups et plusieurs fugues. Après des études au collège Brébeuf où certains se souviennent encore de ses bottes rouges et de sa moto, Pénélope s'inscrit en journalisme écrit à l'UQAM, où un de ses profs est un certain Pierre Bourgault.

Elle a la ferme intention de devenir journaliste et de se monter un dossier béton pour que La Presse ou Le Devoir l'embauche. En lieu et place, elle se retrouve chroniqueuse à l'émission Service compris à Télé-Québec. Ce qui ne devait être qu'une aventure d'un soir se prolonge indûment. «J'ai été emportée dans une sorte de tourbillon après ça. Pendant 17 ans, il n'y a pas eu de pause, et cela, en dépit du fait que je n'avais pas de plan de carrière et zéro ambition. Je prenais les choses qui se présentaient à moi sans rien calculer. Les huit années où j'ai été chroniqueuse culturelle, je ne l'ai pas été en attendant. Je n'attendais rien. J'étais complètement absorbée par le moment et par mon travail.»

En toute simplicité

En choisissant la chanson de Diane Dufresne comme thème de sa promo, Pénélope McQuade savait exactement ce qu'elle faisait. «On annonce une énergie plus rock'n'roll, dit-elle. Moi, je n'aime pas trop les dentelles, les chichis et les flaflas. En même temps, je n'ai aucune pudeur à la télé. J'ai des fous rires, je n'ai pas peur d'avoir l'air ridicule. Je n'ai pas besoin de pouvoir. J'ai besoin de liberté. Et je sais qu'avant toute chose, mon job, c'est de créer un climat de plaisir et de décontraction et de le faire en toute simplicité. Je vais sans doute faire des erreurs, mais ce qui me sauve, c'est ma capacité de m'intéresser à tout, y compris aux chaudrons, et de pouvoir parler aux madames sans en être une.»

Plutôt lucide quant à la difficulté de vieillir à la télé pour une femme, elle affirme qu'il ne lui reste pas «mille ans devant le kodak». «Je me dis qu'il me reste peut-être cinq ou six ans devant la caméra; après, qui sait, je vais peut-être tout vendre et m'ouvrir une école de plongée dans les Maldives.»

En principe, à la rentrée, Pénélope quittera le petit écran jusqu'au printemps 2012. En réalité, l'automne dernier, elle a planché sur une quinzaine de projets avec plusieurs boîtes de production. Bref, c'est clair qu'il y aura une suite plus rapide que prévu et que le public québécois n'a pas fini de découvrir ce qui anime Pénélope McQuade.