Hiver 1992. Nevermind, le deuxième album de Nirvana figure en tête du palmarès des ventes aux États-Unis, détrônant nul autre que Michael Jackson et son album Dangerous. Être numéro un, c'est le rêve de bien des groupes. Or, c'est devenu le cauchemar de Kurt Cobain, chanteur enragé, mais fragile à la tête d'un trio qui a changé l'histoire du rock.

Je suis Cobain (peu importe) se veut à la fois une évocation de la trajectoire d'un artiste que la célébrité a contribué à tuer et une réflexion sur la marchandisation de l'art, la mort des idéaux et le désir d'être plus grand que soi. Des idées que les artisans du spectacle tentent maladroitement d'inscrire dans une histoire plus intime: celle d'un père décédé qui revient au monde avec l'unique désir de revoir sa fille, Frances Bean.

Le fil conducteur du spectacle, c'est cette route qui mènera le rockeur (Dany Boudreault) à sa fille maintenant à l'orée de l'âge adulte. En chemin, il croise Boddah (Emmanuel Reichenbach), ami imaginaire à qui il a laissé une note au moment de son suicide, qui l'incite à se remettre à la guitare. Il cherche à éviter Courtney Love (excellente Ève Landry), diva trash qui accumule les frasques à la télé. Surtout, il trouve une alliée en Karine (Marie-Ève Des Roches), une fan finie qui sait tout de lui, se sent comme lui et... voudrait être lui.

Je suis Cobain (peu importe) compte son lot de bonnes idées, qui se traduisent par des scènes évocatrices. Comme cette délirante entrevue de télé-vérité menée par un animateur trop souriant (Charles Dauphinais) et, encore mieux, ce moment où Cobain joue du Nirvana avec l'une de ces fausses guitares dont on se sert pour jouer à Rock Band! Mais au-delà de ces quelques images-chocs et des segments du texte les plus efficaces (ceux des filles, le plus souvent), le spectacle manque de cohésion.

La quête de Cobain ne convainc guère, pas plus que son énergie fantomatique et ses déclamations les plus poétiques. De nombreux passages sont d'ailleurs trop écrits et ne trouvent pas le ton juste pour conférer l'authenticité nécessaire aux personnages. Dans sa forme actuelle, Je suis Cobain (peu importe) n'arrive malheureusement pas à s'élever au-dessus de la petite histoire pour mettre en valeur ses idées sur le legs artistique et son détournement.

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Je suis Cobain (peu importe), du dimanche au lundi jusqu'au 2 mars à La Petite Licorne.