Le public adolescent ne gobe pas tout ce qu'on lui présente. Il est exigeant et n'hésite pas à chahuter les artistes censés le divertir... Faut que ça décape. C'est comme ça. D'où le défi énorme du programmateur Rémi Boucher qui, après le premier tiers de ces 10es Coups de théâtre, réussit, malgré certaines notes discordantes, à surprendre et captiver.

En guise de spectacle d'ouverture, lundi soir dernier, l'auteur et metteur en scène français Joël Pommerat présentait son adaptation du Petit chaperon rouge. Un récit à la fois poétique et cruel, mais aussi empreint d'humour, qui ne réinvente pas la roue, mais qui nous tient quand même en haleine.

 

La pièce d'à peine 45 minutes tourne autour d'un acteur-narrateur qui raconte, placide et pince-sans-rire, l'histoire du chaperon rouge. «Une petite fille qui n'avait pas le droit de sortir toute seule de chez elle», «qui s'ennuyait ferme», et «qui avait seulement sa maman... qui n'avait jamais le temps de jouer avec elle».

La petite fille et la mère jouent sans dialogues - avec de simples jeux de lumière et d'effets sonores - jusqu'à ce que la petite fille traverse seule la forêt pour porter un flan à sa grand-mère. C'est là qu'elle rencontre le loup.

Mais le loup du Chaperon rouge n'est pas le renard du Petit Prince... et il n'y aura ni apprivoisement, ni pleurs, ni rose. Le loup dévorera la grand-mère et le petit chaperon rouge sans compromis.

La pièce se termine sur une note d'ironie quand l'auteur ressuscite le petit chaperon rouge et sa grand-mère. Mais le mal est, pour ainsi dire déjà fait! Pièce coup-de-poing efficace, où les jeunes brillaient toutefois par leur absence.

Isberg

L'équipe du théâtre Le clou! a le tour d'appuyer sur les bonnes touches. Qu'on pense à la pièce Assoiffés, de Wajdi Mouawad, ou aux contes Zurbains présentés année après année, il y a un bel équilibre entre le texte, la scénographie, la musique et les images.

Cette fois, Le clou! propose Isberg, un texte de Pascal Brullemans mis en scène par Sylvain Scott, qui raconte les durs lendemains de trois ados (deux frères et une soeur) qui deviennent orphelins à la suite de la mort accidentelle de leurs parents.

Chacun se replie sur lui-même, le «grand» se défoule dans le sport, le «petit» en jouant de la guitare et en collectionnant des articles de journaux qui rapportent des morts insolites. Et la «soeur», plus fragile, reconstitue ses souvenirs en transformant des babioles de toutes sortes en objets d'art.

L'environnement sonore et la musique, composée par Yann Perreau, créé une ambiance très poétique. Et traduit bien la peine et la rage de ces grands enfants laissés à eux-mêmes. Espérons qu'il s'associera à d'autres productions de théâtre. Le jeu des acteurs est convaincant, bien que le texte semble parfois manquer de souffle.

La fugue

Étrange et intense que cette proposition de la compagnie Qui va là - qui fait de la manipulation d'objets - et de la Société de musique contemporaine du Québec. D'abord, il n'y a aucun dialogue dans cette pièce entièrement musicale qui raconte la fugue d'un adolescent - tout en faisant référence à la «fugue musicale».

Ensuite, la pièce est ponctuée de quelques numéros assez musclés où des acteurs-musiciens improvisent - deux guitares électriques, un clavier et une batterie -, nous plongeant dans la rage, la souffrance et la solitude abyssale de la faune nocturne.

Les acteurs manipulent avec fantaisie et précision des manteaux à capuchon, qui représentent le fugueur (Yohan) et des membres d'un gang de rue qui lui veulent plus de mal que de bien... À l'exception d'une jeune fille, Noémie, de qui Yohan s'amourachera.

Tout ça, on le comprend très bien malgré l'absence de texte. Et les ados présents à l'Usine C mercredi l'ont compris à coup sûr. L'attention du jeune public était entière. Malgré une certaine nébulosité dans le récit, on sentait bien que le courant passait dans la salle.

__________________________________________________________________________________________

Pour consulter toute la programmation des Coups de théâtre: www.coupsdetheatre.com