Les Fêtes, c'est pour tout le monde: les paumés, les alcoolos, les ratés, les marginaux... C'est le message que nous crache à la figure la matriarche du disjoncté clan Semianyki, qui arrive sur la scène de la Tohu avec le «front tout le tour de la tête» d'un Hummer dans une conférence sur les changements climatiques.

Sorte de madame Bougon version clown russe, toute de jaune vêtue et enceinte jusqu'aux lunettes, la grosse femme nous annonce sans dire un mot de quel bois se chauffe sa bande de déglingués. En commençant par arroser les premières rangées du public avec une paire de bas-culottes qu'elle essore avant d'accrocher sur sa corde à linge.

Spectacle muet évoquant en courts et plus longs tableaux imagés le quotidien en dents de scie d'une famille d'attachants disjonctés, Semianyki fait l'éloge de la folie et de la poésie. Des soupapes pour échapper à la déprimante réalité. On se tape dessus, on ne s'embarrasse pas de quatrième mur, on danse, on s'embrasse, on se grimpe dessus et dans les rideaux... Chez les Semianyki, les clowns sont sans gêne et sans pudeur.

Autour de cette mère qui pourrait accoucher d'une minute à l'autre, qui se fait tantôt séductrice, tantôt marâtre, s'énervent une bande de rejetons échevelés, manigançant des moyens d'éliminer leurs détraqués géniteurs.

De ce poétique et coloré spectacle de la troupe du Licedei, on ne retient pourtant pas une version déprimante du monde, ni même une critique amère du monde en perdition où les clowns émergent pour échapper à la noirceur.

Ces clowns vêtus de lambeaux multicolores, qui se moquent de nous et d'eux-mêmes avec une légèreté bienfaisante, se contentent de nous faire planer dans leur dérision en nous élevant dans la plus grisante des légèretés. Composant de la beauté avec la banalité crade d'une maison de paumés, s'amusant avec les codes et la lumière, ainsi que des déguisements et objets (téléphone, épingles à linge, etc.), ils touchent à l'essence du jeu. Et tout aussi russes soient-ils, ces zigotos nous font penser à un croisement entre La petite vie et La Ribouldingue.

Rassembleuse malgré les couteaux qu'on s'y plante dans le dos, les incitations à l'alcoolisme, l'éducation douteuse des enfants et la mauvaise planification familiale, Semianyki est la sortie des Fêtes idéale. Joyeux comme une tournée de vodka, mais sans la gueule de bois.

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Semianyki, de la troupe du Licedei, à la TOHU jusqu'au 2 janvier.