Légende du soccer anglais, devenu acteur de cinéma, Éric Cantona fait ces jours-ci ses débuts au théâtre à Paris, dans une pièce contemporaine et austère, où il joue le rôle d'un homme prisonnier des décombres d'un supermarché effondré.

Dans une petite salle de 320 places du théâtre Marigny, l'ancien international français a été acclamé mardi soir à la fin de la première représentation de cette pièce, Face au paradis, écrite par une jeune auteure française, Nathalie Saugeon.

Les «bravos» ont fusé à la fin du spectacle. «Il amène au théâtre la même passion qu'au soccer», se réjouissait Zihi Shokri, 35 ans, venu au spectacle vêtu d'un maillot flanqué dans le dos du nom de Cantona.

L'atmosphère était pourtant très éloignée de celle des stades de soccer, dans lesquels, sous le maillot de Manchester United surtout, Éric Cantona a multiplié les traits de génie, mais aussi la facétie et les provocations.

Présentée pendant trois mois, Face au paradis est une pièce où les deux acteurs, Cantona et Lorànt Deutsch, sont statiques. Cantona y teinte de son fort accent marseillais un jeu particulièrement sobre mais sa seule présence fait de cette pièce l'un des événements de la rentrée théâtrale à Paris.

Éric Cantona, 43 ans, y incarne Max, prisonnier dans les décombres d'un bâtiment. Blessé, il entre en contact avec un homme volubile, Lubin, qui pourrait s'extraire des gravas mais condamnerait alors son compagnon d'infortune...

«Ils se retrouvent dans une situation extrême qui les amène à se regarder dans un miroir et à voir quel est le sens de leur vie», analyse Rachida Brakni, la compagne de Cantona, qui a mis en scène la pièce.

C'est un «huis clos avec tous les ingrédients d'un drame psychologique et une forme de suspense», dit-elle.

Éric Cantona et Rachida Brakni, 32 ans, se sont rencontrés sur le tournage du film L'Outremangeur, sorti en 2003.

«J'avais très envie de mettre en scène Éric Cantona, et je voulais être la première à le faire: très égoïstement, je voulais être celle qui lui ferait découvrir la passion du théâtre», a-t-elle expliqué à l'AFP.

Avant de monter sur les planches, Éric Cantona affirmait ne pas avoir peur de ce nouveau défi artistique.

«Je sais où je vais. Mon but, gamin, était de jouer ma pièce devant 80 000 personnes et je l'ai fait. Alors une salle de 400 places... Si on ne se met pas en danger, on ne se connaît pas», disait-il au journal Le Monde.

Lorsqu'il avait raccroché les crampons en 1997 pour embrasser une carrière d'acteur, King Eric, comme il est toujours surnommé à Manchester, avait suscité beaucoup de scepticisme.

Depuis, il a joué dans 12 films, et obtenu la consécration en jouant son propre rôle dans Looking for Eric de Ken Loach, présenté au dernier Festival de Cannes.

Mais il est aussi peintre à ses heures, se dit amateur de littérature et vient de publier un livre de photographies de personnes sans-abri, au bénéfice de la Fondation Abbé Pierre, qui se consacre à l'aide aux plus démunis.

Il arrive aussi à Éric Cantona de s'immiscer dans la politique comme récemment, lorsqu'il a pris position dans le grand débat sur l'identité nationale initié par le président Nicolas Sarkozy. «Être français c'est être révolutionnaire, d'abord», avait estimé en décembre ce fils d'immigrés espagnols et italiens.