Après avoir fait vivre des objets et donné la parole à des animaux, Thomas Fersen met en scène loups-garous, vampires, fantômes, squelettes, momies et autres sympathiques personnages dans son nouvel album Je suis au paradis. Conversation avec un artiste de la chanson au regard toujours un peu décalé.

Thomas Fersen trouvait que son album précédent, Trois petits tours, était un peu trop sec, trop «tricoté serré» sur le plan de la thématique. Le chanteur français a eu le goût d'aller voir ailleurs tout en étant conscient du risque «d'aller un peu partout sans aller nulle part.» Le voici donc de retour avec un album qui étonnera même les plus fervents de ses admirateurs: Je suis au paradis est un disque au romantisme noir peuplé de personnages mythiques sur un fond musical nourri par les cordes qui s'apparente même par moments à la musique ancienne.

Fersen ne s'en cache pas: il a toujours été attiré par les personnages marginaux: «Je suis moi-même un petit peu décalé par rapport à la chanson, toujours un peu insaisissable. Un jour, quelqu'un m'a appelé La Barbe Bleue. Ça m'a beaucoup plu et c'est pour ça d'ailleurs que j'en ai fait une chanson.»

Le romantisme, constate-il encore, refait régulièrement surface selon les époques: «C'est souvent un réflexe de fuite par rapport à un quotidien qui est morne et pas intéressant. Le fantôme, la momie, le balafré, c'est des grands romantiques. Le balafré est un personnage tellement sensible que pour jouer de la scie musicale, il préfère fermer les yeux. C'est pas recommandé quand on joue de la scie...»

La chanson Dracula, qui lance le disque, a été inspirée à Fersen par son inséparable ukulélé qu'il remise dans son coffre après un spectacle comme un vampire regagnerait son cercueil. «Ça m'a amené cette ambiance romantique qui est la teinte de ce disque, raconte-t-il. Dans la foulée de Dracula, j'ai fait cinq chansons en six semaines, ce qui est très rare chez moi. Tout de suite, j'ai eu la couleur. Je savais au départ que je ferais des chansons plus mélodieuses, plus harmonieuses, un peu plus pop que sur l'album précédent. Je savais aussi que je les composerais au piano et j'ai beaucoup travaillé sur les harmonies des chansons en essayant de les enrichir.»

Un petit coup de fouet

Fersen a chanté trois chansons de ce nouvel album aux FrancoFolies l'an dernier et une autre, fort jolie, intitulée Billy the Kid qu'il joue toujours en concert, mais qui n'a pas trouvé sa place dans Je suis au paradis. Pourtant, l'univers du héros western est assez proche d'une autre chanson du nouvel album intitulée Mathieu, qui lui a été inspirée par une affiche annonçant un spectacle de striptease burlesque au Barrymore's d'Ottawa, il y a sept ans.

Fersen raconte: «J'ai eu l'idée d'une chanteuse européenne qui fait un numéro dans un saloon à l'époque du Far West: elle est à moitié nue et elle chante des chansons sentimentales devant une bande de brutes qui savent parler aux animaux, attaquer les banques et piller des trains, mais qui sont incapables de s'exprimer avec une personne du sexe opposé. Je l'ai appelée Mireille et je me suis dit: tiens, c'est marrant, on pourrait dire que son mari s'appelle Mathieu, ça ferait un petit clin d'oeil à notre chanson hexagonale n'est-ce pas? Et puis, elle a un point commun avec les autres personnages: les femmes font parfois souffrir plus que les vampires et les Barbe Bleue.» Fersen fait une pause et ajoute, coquin: «Ça ne vous convient pas comme réponse?» Puis il pouffe de rire.

Avec son rock alimenté par la guitare fuzzée du copain québécois Fred Fortin, Mathieu se démarque du ton d'ensemble de l'album, plus intemporel, aux musiques feutrées. «Au milieu de l'album, il faut souvent redonner un petit coup de fouet: Mathieu joue ce rôle-là», explique Fersen. Fortin, qui avait d'ailleurs réalisé Trois petits tours, contribue à quatre chansons du nouvel album.

Fersen aime que ses textes fantaisistes constrastent avec des musiques sérieuses. «J'aime bien quand ça frotte un petit peu, oui», reconnaît-il. Mais son humour particulier est absent sur au moins deux chansons: L'enfant sorcière et Une autre femme dans laquelle on découvre que le crâne d'une momie égyptienne est en fait celui de Madame Lucienne, une concierge née à Clamart: «C'est quelque chose que je fais rarement parce que c'est difficile, peut-être un petit peu avec la chanson Maudie dans l'album Le pavillon des fous, mais c'est tout. Et là, c'est plus abouti.»

Pour la scène, Fersen a recruté, en plus de ses complices habituels Sangra, Barcelona et Cravero, une musicienne qui joue du pipeau et du violon. «On joue toutes les chansons de l'album, plus Billy the Kid et deux chansons inédites ainsi qu'une dizaine de chansons du répertoire plus ancien qui étaient déjà dans cette veine: Monsieur, Pégase, La chauve-souris, etc.»

Ce spectacle a le temps de se transformer d'ici à ce que Fersen et sa bande se produisent place d'Youville le 17 juillet, soirée de clôture du Festival d'été de Québec. On ne verra pas Fersen à Montréal avant la mi-septembre, sinon en janvier 2012, même si le principal intéressé trouve que ce serait un peu tard.

Chanson

Thomas Fersen

Je suis au paradis/tôt ou tard

En magasin mardi