Avec sa voix de «vieille âme» dans un jeune corps de 20 ans, son répertoire qui s'inspire tant de Johnny Cash que des Doors, le Québécois Bobby Bazini semble sortir de nulle part... mais il pourrait aller loin puisque son premier album, Better in Time, sort quasi simultanément ici et en Europe - il sera même de l'émission Taratata à la mi-mars! Rencontre avec un jeune homme timide, humble et étonné de tout ce qui lui arrive...

C'est vrai qu'il sort de nulle part, d'une certaine façon, ce longiligne, filiforme et timide Bobby Bazini: non, il n'a pas chanté dans les bars, il n'a pas suivi de cours, il n'est pas passé par les concours. Un brin solitaire, un brin farouche, un brin mal dans sa peau, il a tout simplement écrit des chansons dans sa chambre de Mont-Laurier, dans les Hautes-Laurentides, après avoir écouté en boucle les vinyles qu'adorait sa grand-mère, qui l'a élevé. Ça vient de là, sa connaissance extensive et profonde de Johnny Cash: c'est quand elle a entendu chanter son petit-fils quand elle lui a passé sa pile de disques du «man in black».

 

Timide à l'extrême, on le répète, Bobby s'est mis à acheter d'autres disques, a découvert Bob Marley, Otis Redding, Ray Charles... et les Doors, qu'il aime passionnément: il ne s'en cache pas, la référence à Light My Fire dans sa chanson Turn Me On et l'orgue à la Ray Manzarek dans plusieurs morceaux, ça vient de là.

Mais sa voix, elle, vient de lui. Une voix étonnante, très typée, marquante, celle de quelqu'un qui aurait beaucoup vécu, mais qui se retrouverait par hasard dans une enveloppe charnelle d'à peine 20 ans, et même 18 quand Bobby Bazini (Bobby Bazinet dans la vraie vie) a commencé à proposer ses chansons.

«Réincarnation»

À croire que la réincarnation existe, mais qu'un dieu se serait amusé à mêler les cartes. «C'est peut-être parce que j'ai toujours été plus vieux à l'intérieur que mes amis, explique plus simplement le jeune chanteur qui ne quitte pas sa guitare de toute l'entrevue. Peut-être parce que j'ai vécu beaucoup de choses en dedans, au moment de la séparation de mes parents (qui s'est mal passée) ... Mais, en même temps, j'ai eu la chance de réaliser que le temps arrange les choses, exactement comme on le dit toujours. C'est pour ça que je voulais faire un disque qui ne serait pas triste: quand j'ai un sujet de chanson triste, j'essaie de trouver une mélodie un peu joyeuse...» Et d'y mettre un brin d'humour. Ou de se faire carrément plaisir en intégrant dans ce disque plutôt r&b, soul et par moments funk une chanson clairement country comme Mellow Mood.

« Je ne sais pas si je suis clair quand je parle, je ne suis pas habitué à parler beaucoup, reprend-il gentiment, mais tu vois, une chanson comme Mellow Mood, c'est une chanson inspirée par une situation où j'étais avec des gens plutôt négatifs, mais où une personne m'encourageait... Ça suffit parfois, une seule personne. Et ça n'empêche pas un couple qui penserait que c'est une chanson d'amour de se l'approprier, Mellow Mood...» Ses chansons d'amour, à une exception près, Bazini les a toutes écrites pour la même fille. L'exception, c'est One Thing or Two, premier extrait de l'album, né «d'une relation désastreuse il y a quelques années», explique-t-il en grattant sans s'en rendre compte les cordes de sa guitare.

Avec le temps...

À la suite d'un premier extrait à succès (I Wonder) et d'un minialbum en novembre, son premier disque sort mardi sous le titre de Better in Time - parce que l'extra-svelte Bobby y croit vraiment, qu'avec le temps, les choses s'améliorent. La pochette présente Bazini assis au pied d'un escalier: ça pourrait être un escalier de secours, ce qui compte surtout, c'est qu'il a l'intention de le monter, cet escalier, à sa manière, c'est-à-dire tranquillement, très tranquillement. Après tout, on a ici un jeune homme qui aime le blues, le country, le bluegrass, le gospel...

Sa très belle chanson Morning Comes pourrait d'ailleurs être un de ces hymns, de ces cantiques dont Cash raffolait: «C'était juste pour rendre heureux. Dans le fond, je pense qu'on pourrait tous arrêter de composer pendant 50 ans sans que ça paraisse, tellement il y a des chansons belles qu'on est en train d'oublier et qu'on pourrait ressortir.»

Mais ça, finalement, ça le rendrait malheureux, car écrire et composer - et aussi travailler avec ses quatre musiciens, qui ont entre 21 et 23 ans, en moyenne, et qui trippent eux aussi sur The Doors, Johnny Cash ou... Red Hot Chili Peppers - , c'est ce qu'il préfère: «Je sais qu'il n'y a pas rien qui «fitte» ensemble sur mon disque, dit-il avec un sourire désarmant, c'est ma voix qui fait le lien.» Un lien très fort, soulignons. C'est cette voix qu'on entendra l'été prochain en spectacle pendant les festivals et c'est cette voix qu'on pourra découvrir, dès mardi, sur album.

En un mot

Le Québécois Bobby Bazini a d'abord été un mystère: nulle photo ne circulait, mais sa chanson I Wonder a beaucoup joué. C'est récemment qu'on a appris qu'il s'agissait d'un jeune auteur-compositeur-interprète de 20 ans, dont la voix serait celle d'un homme plus vieux. Son premier album, Better in Time sort ici mardi, mais également en mai dans quelques pays européens, dont la France et l'Allemagne. À découvrir notamment à Belle et Bum le 20mars.