Si Rue Frontenac existe encore sur la Toile, le site est bel et bien mort dans le coeur de ses artisans. Vendredi, les 45 journalistes, photographes et membres du personnel du site d'information, né du lock-out au Journal de Montréal, ont décidé de claquer la porte.

Une ultime tentative pour sauver le site a échoué: les anciens lock-outés ne sont pas parvenus à s'entendre avec un nouvel acquéreur. Celui-ci a toutefois acheté in extremis le nom de domaine RueFrontenac.com. Le site reste donc en ligne, même s'il est presque vide: les journalistes ont exigé que tous leurs textes en soient retirés.

«On est un peu secoués, on ne voulait pas que ça finisse comme ça... Mais à un moment, il faut savoir s'arrêter, sinon, ça n'a plus de fin», a noté vendredi l'ancien rédacteur en chef de Rue Frontenac, Jean-Philippe Décarie.

Fondé en janvier 2009 par les 253 syndiqués lock-outés du Journal de Montréal, Rue Frontenac a continué d'exister malgré le règlement du conflit. Plusieurs de ses artisans avaient refusé de retourner travailler pour leur ancien employeur.

Ils ont longtemps entretenu l'espoir de trouver un acquéreur, mais des négociations avec un acteur majeur du monde des médias ont tourné court début mai. Quelques jours plus tard, Rue Frontenac s'est placé sous la protection de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, se mettant à l'abri de ses créanciers pour 30 jours.

Un autre acquéreur potentiel s'est manifesté entre-temps. Il s'agit d'un entrepreneur québécois dont l'identité doit être tue en raison d'une clause de confidentialité. Celui-ci a racheté les actions de Rue Frontenac le 15 juin, faute de quoi le site aurait perdu la protection de la Loi sur la faillite et aurait dû fermer.

Les deux parties ne se sont finalement jamais entendues. «On avait des inquiétudes sur le financement, sur la solidité financière de cet acquéreur, dit Jean-Philippe Décarie. Après enquête, quand on a su qui était derrière le financement, il y a des gens à qui on ne voulait pas être associés, des gens qui n'avaient pas une probité exemplaire dans le monde des affaires.»

«Ce qu'il nous proposait pour continuer à fonctionner n'intéressait personne, alors tout le monde a décidé de partir», explique-t-il.

Rue Frontenac a donc changé de mains. Ses anciens artisans ignorent les intentions du nouveau propriétaire. Ils n'ont pas non plus de projet commun pour l'instant. «On va laisser retomber la poussière, les gens sont fatigués», dit Jean-Philippe Décarie. Il précise que le personnel de Rue Frontenac n'était pas payé depuis le mois d'avril.