Le 27 novembre dernier, au congrès annuel de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, Craig Silverman est venu parler de son bébé, le site de journalisme hyperlocal OpenFile.ca, qui s'apprête à ouvrir une antenne à Montréal.

Openfile s'inscrit tout à fait dans la tendance de ces médias qui se rapprochent de plus en plus des préoccupations quotidiennes des citoyens. Née aux États-Unis, cette tendance a pris de l'ampleur au cours des dernières années, et ce, autant en Europe qu'en Amérique du Nord.

À la différence des journaux locaux qui couvrent souvent un large territoire et qui, dans certains cas, ressemblent davantage à un cahier publicitaire qu'à un véritable journal d'information, les sites hyperlocaux sont très pointus et peuvent se concentrer sur un quartier, voire une rue.

Plusieurs modèles cohabitent pour l'instant sur le web. Il y a des sites qui sont une sorte de carrefour sur lequel on trouve des informations diffusées par la ville, des renseignements sur les taxes ainsi que les dernières nouvelles de la police. On y trouve aussi des hyperliens vers des articles écrits par des grands médias qui concernent le quartier en question.

Dans une autre catégorie, on trouve des blogues, la plupart animés par des citoyens ordinaires et qui se créent souvent autour d'un sujet précis (l'aménagement d'un quartier, la démolition d'un monument patrimonial, etc.).

Enfin, il y a de plus en plus de sites alimentés par des journalistes professionnels. Il peut s'agir de sites indépendants ou de sites supervisés par un grand quotidien. Le New York Times a piloté une expérience du genre durant 18 mois avec The Local, au New Jersey. Le quotidien chapeaute aussi The Local East Village avec le département de journalisme de l'Université de New York.

À l'heure actuelle, ruemasson.com est la seule expérience de journalisme hyperlocal à Montréal. Lancé il y a bientôt un an, ruemasson.com a été fondé par cinq amis, parmi lesquels on compte trois journalistes professionnels. «L'idée est née durant un souper, raconte une des cofondatrices du média, la journaliste Cécile Gladel. Nous habitons tous le quartier, nous l'aimons et nous voulions un site professionnel où on pourrait exercer notre esprit critique tout en racontant ce qui se passe.» Le site qui, pour l'instant, est financé par ses cinq fondateurs, diffuse de l'information sur la rue Masson et ses alentours et rend compte de la vie politique de l'arrondissement (Cécile Gladel tweete en direct des séances du conseil de l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie).

Cette approche est bien différente de celle de l'antenne qu'OpenFile compte bientôt ouvrir à Montréal. Openfile s'appuie d'abord sur la collaboration des citoyens-lecteurs pour concevoir un reportage: l'ouverture d'un nouveau marché de fruits et légumes, une ruelle mal entretenue, une question à propos de l'augmentation de l'impôt foncier... Si l'histoire est plus consistante, le site affectera un journaliste professionnel pour enquêter plus en profondeur. Une fois lancé, un dossier demeure actif et les lecteurs et journalistes peuvent continuer à l'alimenter au fil des semaines ou des mois. Comme dans un journal traditionnel, un rédacteur en chef supervise les activités.

Enfin, le journalisme hyperlocal peut parfois prendre l'allure d'un projet spécial comme le Detroit Blog, mis sur pied par le magazine TIME. Durant un an, le magazine et ses publications-soeurs ont été les propriétaires d'une maison à Detroit afin de rendre compte de la situation dans cette ville durement touchée par la crise. Outre le blogue, des articles et des segments vidéo ont été produits pour le site CNN.com.

Dans tous les cas, il y a ce même souci de se rapprocher des lecteurs et de parler d'histoires qui les touchent au quotidien. Toutes ces expériences ne se sont pas conclues par de grands succès financiers, mais il y a tout de même des leçons à tirer pour les grands journaux nationaux quant à l'intérêt de se doter d'antennes plus petites un peu partout sur un territoire donné.

Des sites à découvrir

On trouve plusieurs sites d'information hyperlocale sur le web. OpenFile.ca a des antennes à Toronto, à Vancouver et, depuis le 25 novembre dernier, à Ottawa. Dans la métropole, pour l'instant, on ne trouve que ruemasson.com. Aux États-Unis, le site dnainfo.com, qui se concentre sur Manhattan, est très bien fait. On trouve des sections pour les différents quartiers de la ville. Patch.com, quant à lui, est présent dans 19 États américains. En France, le quotidien Libération a lancé les Libévilles, huit sites régionaux produits par des journalistes professionnels. Pour sa part, le groupe Ouest France exploite Maville.com, site sur lequel on trouve des dépêches de presse, des critiques de restaurants, des petites annonces, etc., pour 84 villes du pays.