Le mariage de la télévision et de l'internet pose toutes sortes de problèmes aux différents réseaux de télévision. Il en a été question mercredi dernier dans le cadre des Rendez-vous Web organisés par les publications Infopresse. Un des ateliers était consacré aux modèles d'affaires des médias en ligne et on y a soulevé des questions fort pertinentes.

Par exemple, comment recréer des rendez-vous devant le petit écran à une époque où tous les membres d'une même famille consomment leur émission préférée chacun de leur côté? Il est loin le temps où on se rassemblait devant la télé pour regarder Quelle famille! À l'exception de quelques grands rendez-vous comme les séries éliminatoires du hockey, Tout le monde en parle ou Star Académie, les gens regardent leurs émissions au moment où ils le souhaitent, grâce à l'enregistreur numérique, l'internet ou encore, la vidéo sur demande.

 

«Le défi, pour les fournisseurs de contenu, c'est de conserver le lien d'attachement en composant avec toutes ces nouvelles chaînes qui font désormais partie de la vie des familles», a expliqué Frédéric Martin, vice-président de la firme-conseil Tink.

Radio-Canada l'a bien compris et c'est pour cela qu'elle a lancé TOU.TV, en janvier dernier. «On a connu un succès au-delà de nos attentes», confie Geneviève Rossier, directrice générale du service Internet et des services numériques à Radio-Canada. Que ce soit pour rattraper l'émission Le verdict que vous avez ratée la veille, pour revoir la première saison des Invincibles ou pour regarder des créations exclusives comme En audition avec Simon ou Les Chroniques d'une mère indigne, TOU.TV attire des centaines de milliers d'internautes chaque semaine.

À première vue, la stratégie de Radio-Canada peut paraître suicidaire. N'y a-t-il pas un danger de cannibaliser son propre auditoire? Chez TVA, par exemple, aucun contenu n'est disponible sur le web, seulement sur Illico (nous aurions aimé discuter de la stratégie web de TVA avec un de ses dirigeants, mais ils ont refusé notre demande d'entrevue).

Mais Geneviève Rossier réfute l'expression «cannibaliser» et fait plutôt la démonstration qu'au contraire, la société d'État augmente son auditoire grâce à TOU.TV. «La moitié des visiteurs sont des gens qui ont manqué une émission ou qui la regardent beaucoup plus tard, explique-t-elle. C'est un auditoire différent de celui de la télé traditionnelle.

«La webtélé est là pour rester, ajoute Mme Rossier. Lorsqu'on pourra facilement brancher l'ordi sur la télé, elle entrera directement en concurrence avec les contenus télévisuels traditionnels, une raison de plus pour occuper le terrain le plus tôt possible.»

Le problème, et il est de taille, c'est que pour l'instant, il est bien difficile de mesurer les auditoires sur l'internet. Or sans statistiques sur les auditoires, il est aussi bien difficile de vendre des publicités pour rentabiliser des plateformes comme TOU.TV. «C'est LE grand défi des prochaines années», confirme Geneviève Rossier.

Mardi midi, devant un parterre de producteurs et diffuseurs télé, le président du conseil d'administration du Fonds des médias du Canada, Louis Roquet, a promis le développement d'un outil de mesure des auditoires web au cours des prochains mois. Encore faudra-t-il que cet outil fasse l'unanimité dans le milieu de la télévision et de la publicité. Un autre défi.