L'illustrateur Pascal Blanchet crée des livres d'atmosphère où l'histoire est d'abord racontée par les images. L'élégant Nocturne, son cinquième album, évoque l'étouffante nuit traversée par trois âmes en peine dans le New York des années 40.

Lignes élégantes, compositions architecturales et couleurs en aplat, le dessin de Pascal Blanchet saisit par sa beauté nostalgique. L'usage économe qu'il fait des mots invite à appréhender ses livres davantage par les sens que par l'intellect. Une grande partie de ses histoires - l'essentiel dans le cas de Nocturne - se trouve en effet dans ce qui se dégage des séquences d'images qu'il déploie sur une page entière.

«Le travail d'un illustrateur, c'est de faire en sorte que l'image, même seule, ait un caractère narratif, estime l'artiste de 31 ans, qui vit à Trois-Rivières. En faisant des livres, j'ai la possibilité de pousser ça au maximum et de raconter une histoire complète dans une forme qui tient plus de l'illustration que de la bande dessinée.»

Illustrateur autodidacte («L'école et moi, on ne fait pas une super équipe», dit-il), Pascal Blanchet affirme ne pas avoir de culture de bande dessinée. Son attrait pour le dessin lui vient des pochettes de disques découvertes chez ses grands-parents, quand il était petit. En particulier celles, exubérantes, que Jim Flora a dessinées pour Sidney Bechet, Louis Armstrong ou Benny Goodman.

De La fugue à Nocturne en passant par Rapide Blanc, la plupart de ses livres témoignent d'ailleurs d'un goût pour l'architecture, le design et la musique du milieu du siècle dernier. «Il y a quelque chose qui, par magie, m'accroche là-dedans», explique simplement le jeune homme qui, petit, construisait déjà des immeubles Art déco en LEGO.

«Tout ça est associé à mon enfance. Chaque fois que je voyais un truc Art déco ou streamline, je trouvais ça fantastique, se rappelle-t-il. On dirait que c'est inné et ça m'est resté comme un truc réconfortant.» Il aime en outre l'esprit «the sky is the limit» qui régnait dans le domaine de l'architecture au début du XXe siècle, alors que «tout était à faire».

Ce vent d'optimisme ne souffle toutefois pas forcément dans les pages de ses livres. Bologne (2007) est un conte cruel campé dans un village dominé par le méchant duc. La fugue (2005) évoque les derniers jours d'un vieux pianiste de jazz. Nocturne suit en parallèle trois personnages qui vivent chacun un drame intime dans un New York qui étouffe sous la canicule. En fond sonore, un air de circonstances: In the Still of the Night, de Cole Porter.

Qu'il y ait de la musique dans les livres de Pascal Blanchet est tout naturel: c'est l'une de ses grandes inspirations. «C'est assez rare que j'écoute une pièce et qu'il n'y ait pas quelque chose qui naît en moi, comme un bout d'histoire. J'ai une playlist chez moi avec des notes pour chacun des morceaux», dit-il d'ailleurs.

Ce qui est plus étonnant, c'est de voir ses dessins prendre une tonalité plus «naturaliste» et texturée, une approche mise en valeur par une impression sur papier lustré. Nocturne est son oeuvre la plus léchée. «Le dessin a beaucoup changé, convient l'artiste, qui a mis quatre ans à le compléter. Je pense que je m'en vais plus vers ça.»

Nocturne

Pascal Blanchet

La Pastèque